ParChristian Goutorbe. Le 25 juillet 2022 Ă 16h42. Pour rĂ©aliser ce grand Ă©cart entre Mai 68 et ce temple de la beautĂ© quâest le musĂ©e Maillol de Banyuls-sur-Mer, Olivier Lorquin
Toutdâabord, en moyenne, les femmes noires sont plus fortes que les autres. Mais dâajouter que ce nâest pas cela qui influe dans leur propension Ă ĂȘtre plus laide. Mon dieu que cet
Alain Delon Ă gauche et Jean-Paul Belmondo Ă droite se serrent la main, lors de la remise de la LĂ©gion d'honneur Ă ce dernier, le 23 septembre 1980 Ă Paris - Gabriel DUVAL © 2019 AFPIls ont menĂ© des carriĂšres parallĂšles pendant plus de 50 ans. Jean-Paul Belmondo et Alain Delon ont souvent Ă©tĂ© comparĂ©s, pourtant leurs styles sont aux deux vieux lions du cinĂ©ma français Jean-Paul Belmondo et Alain Delon ont connu des carriĂšres parallĂšles, le plus souvent au sommet du box-office, et leur amitiĂ© teintĂ©e d'une certaine rivalitĂ© a nourri la lĂ©gende de ces deux caractĂšres que tout Ă six jours d'Ă©cart en mars 1960 que les deux comĂ©diens se rĂ©vĂšlent au grand jour Jean-Paul Belmondo, l'insolent au physique ordinaire, fait sensation dans l'ovni A bout de souffle, tandis que le public se pĂąme devant le regard aigue-marine d'Alain Delon dans Plein jeunes hommes se connaissent dĂ©jĂ ils s'Ă©taient rencontrĂ©s sur le tournage de Sois belle et tais-toi. DĂ©butants, ils campent alors des petits escrocs. A l'Ă©poque, c'est Ă Delon que revient le rĂŽle du bagarreur hĂąbleur. Belmondo incarne une petite frappe, planquĂ©e et taciturne."Une amitiĂ© qui ne s'est jamais tarie"Ils cĂŽtoient les mĂȘmes bars Ă Saint-Germain-des-PrĂ©s "Entre nous, commence une amitiĂ© qui ne s'est jamais tarie", Ă©crit Bebel 60 ans plus tard dans son autobiographie Mille vies valent mieux qu' pourtant, "on nous opposera tout au long de nos vies, cherchant Ă crĂ©er une adversitĂ© dont la lĂ©gende pourrait se nourrir", poursuit-il. "En fait nous sommes proches, en dĂ©pit d'une divergence Ă©vidente d'origines sociales. Son enfance a Ă©tĂ© aussi triste, pauvre et solitaire que la mienne a Ă©tĂ© joyeuse, bourgeoise et pleine d'amour".Belmondo est nĂ© en 1933 Ă Neuilly ouest de Paris dans une famille aimante d'artistes. Il fait le conservatoire avec la bĂ©nĂ©diction de son pĂšre. Acteur inclassable, animal et Ă©nergique, il incarne la gĂ©nĂ©ration d'aprĂšs-guerre qui veut croquer la vie. Avec son physique de quidam, il se glisse facilement dans la peau du "titi parisien", proche du public. C'est pour cette raison que Jean-Luc Godard l'embauche dans la rue pour "A bout de Souffle".NĂ© en 1935, Alain Delon est confiĂ© Ă 4 ans, au divorce de ses parents, Ă une famille d'accueil dont le pĂšre est gardien Ă la prison de Fresnes. Pensionnaire, il commet plusieurs fugues. Quand il s'engage en Indochine, personne ne le retient. Sombre, taciturne, Ă©corchĂ© vif... Il ne partage pas la sĂ©rĂ©nitĂ© intĂ©rieure qui va profiter Ă jeunesseToutefois, les deux hommes poursuivent leur course en tĂȘte du box-office, cultivant chacun leur image, incarnant tour Ă tour, comme deux frĂšres siamois, des flics, des truands et des joue sur l'humour, la lĂ©gĂšretĂ©, la dĂ©sinvolture quand Alain Delon fait figure de solitaire tendu et 1970, Jacques Deray rĂ©unit les deux dans Borsalino, l'histoire de deux jeunes malfaiteurs qui se lient d'amitiĂ© et deviennent les rois de la pĂšgre Ă le film, les deux hommes cheminent cĂŽte Ă cĂŽte dans leur Ă©clatante jeunesse, costumes trois piĂšces impeccables et pochettes assorties, le cigare au coin des lĂšvres, le fameux chapeau de gangster lĂ©gĂšrement inclinĂ© sur la tĂȘte. Ils deviennent insĂ©parables aprĂšs une bagarre mĂ©morable oĂč ils se rendent coup pour une brouille Ă©clate entre les deux vedettes Ă propos d'une formulation contractuelle non respectĂ©e sur l'affiche. Belmondo, procĂ©durier, traĂźne Delon devant les tribunaux et gagne. "C'Ă©tait des querelles d'amoureux", balaiera-t-il des annĂ©es plus tard. Il n'empĂȘche, Bebel ne se rendra pas Ă l'avant-premiĂšre du film qui fait prĂšs de 5 millions d'entrĂ©es."Il ne peut y avoir de rivalitĂ© entre nous"Les deux hommes se sont toujours rendu hommage. "Jean-Paul a suivi son chemin. Moi un autre, c'est tout. C'est une grande vedette nationale. Il a beaucoup de talent et comme moi, il aime son mĂ©tier et les risques", dĂ©clarait Alain Delon. "On parle toujours de cette soi-disant rivalitĂ© mais, pour moi, il ne peut y avoir de rivalitĂ© entre nous, on n'a absolument pas le mĂȘme emploi. Delon ne me gĂȘne pas et je ne pense pas que je le gĂȘne", renchĂ©rissait Jean-Paul Leconte les rĂ©unit en 1998 dans Une chance sur deux. "A aucun moment nous n'aurions pu, la veille du tournage, intervertir leurs rĂŽles", racontait le rĂ©alisateur. "Ils sont diamĂ©tralement opposĂ©s, ce qui les rend complĂ©mentaires et, en mĂȘme temps, extrĂȘmement proches l'un de l'autre. C'est trĂšs curieux, deux acteurs, qui, comme eux, ont Ă la fois tout et rien Ă voir avec l'autre."Une amitiĂ© indĂ©fectible, mĂ©lange de tendresse et de virilitĂ©, que Paris Match mettra en scĂšne jusqu'au bout, en juin 2019, dans un bras de fer en bras de chemise."Je lâaime et je lâadmire, nâen dĂ©plaise Ă ceux qui nous ont opposĂ©s dans une rivalitĂ© Âabsurde, livrait en 2006 Alain Delon Ă l'hebdomadaire. Justement parce que nous sommes uniques dans notre genre, et incomparables, nous nâavons jamais Ă©tĂ© en concurrence. Ni dans nos vies de cinĂ©ma, ni dans nos vies privĂ©es."Alain Delon, la voix tremblant d'Ă©motion, s'est dit ce lundi "complĂštement anĂ©anti".Entout cas significative dâun Ă©tat de crise chronique entre parents et enseignants. Une guerre de tranchĂ©es oĂč chacun attend les missiles de lâautre camp. Dâun cĂŽtĂ© les profs, mi-victimes, mi-hĂ©ros. Ils supportent Ă longueur dâannĂ©e des Ă©lĂšves remuants, des programmes intenables et des mĂ©thodes discutables.
LapĂ©riode de Mai 68 est marquĂ©e par une rĂ©volution Ă©tudiante du fait de leur manque de libertĂ©s et de la politique autoritaire du General De Gaulle. J'ai constatĂ© que surAvec toute la subjectivitĂ© et les limites inhĂ©rentes Ă lâexercice, nous avons choisi et analysĂ© des films importants signĂ©s par des rĂ©alisatrices qui mettent en jeu un changement de point de vue, Ă©crivant ainsi une nĂ©cessaire contre-histoire fĂ©minine du cinĂ©ma. Dossier coordonneÌ par Jean-Marc Lalanne, avec Philippe Azoury, Emily Barnett, Romain Blondeau, Patrice Blouin, Iris Brey, Faustine Chevrin, Luc Chessel, Bruno Deruisseau, Marilou Duponchel, HeÌleÌne Frappat, Jacky Goldberg, Mia Hansen-LĂžve, Murielle Joudet, Thierry Jousse, Olivier Joyard, GeÌrard Lefort, Eponine Le Galliot, Elena LoÌpez, Axelle Ropert, TheÌo Ribeton, Justine Triet. 1906 / Madame a des envies dâAlice Guy Pendant que dâautres prennent pour sujet les trains, les usines et les repas du dimanche, Alice Guy met en scĂšne une femme enceinte qui a lâirrĂ©pressible besoin dâinsĂ©rer des objets phalliques dans sa bouche. Outre ce point de dĂ©part narratif intrĂ©pide, la cinĂ©aste utilise pour la premiĂšre fois au cinĂ©ma le gros plan Ă des fins dramatiques. Elle a lâintuition gĂ©niale de rapprocher le corps de la camĂ©ra du visage de son hĂ©roĂŻne au moment oĂč cette derniĂšre parvient Ă ses fins et se dĂ©lecte de sucer une friandise volĂ©e Ă une enfant, nous permettant de ressentir de maniĂšre plus intense cet assouvissement physique. Lâutilisation du gros plan permet donc dâaccĂ©der Ă la subjectivitĂ© de la femme enceinte la femme qui suce nâest pas un spectacle Ă©rotique mais diffuse un dĂ©sir fĂ©minin. I. B. Avec Alice Guy Fr., 4 min 15 1914 / Charlot et les Saucisses de Mabel Normand Mabel Normand fut la premiĂšre vedette fĂ©minine du burlesque muet, peut-ĂȘtre la seule Ă approcher la catĂ©gorie de ses lĂ©gendes, oĂč trĂŽne Chaplin. Câest dâailleurs en tant que second rĂŽle dâun de ses films quâapparaĂźt en 1914 le personnage de Charlot. Il deviendra un sidekick rĂ©gulier â en passe de la doubler en notoriĂ©tĂ© dans ce film rĂ©alisĂ© par Normand trois mois plus tard. Elle sây met en scĂšne en vendeuse de hot-dogs et trahit sĂ»rement ce qui se trame derriĂšre la camĂ©ra le vagabond apparaĂźt et la courtise, dans le but de lui chiper ses saucisses. La suite de la vie de Mabel Normand sera funeste empĂȘtrĂ©e en 1921 dans une sĂ©rie de scandales mĂȘlant affaires de mĆurs et homicide lâaffaire Arbuckle, elle tombe dans lâoubli et meurt de la tuberculose en 1930. T. R. Avec Charles Chaplin, Mabel Normand, Dan Albert 10 min 1920 / La FĂȘte espagnole de Germaine Dulac Soledad, une ancienne danseuse, est convoitĂ©e par deux hommes. Elle les incite Ă se battre en duel, promettant de se donnerau vainqueur. Pendant ce temps, elle sâĂ©gare avec le jeune Juanito, dansant toute la nuit, se remĂ©morant les belles annĂ©es de sa jeunesse passĂ©e. Avec La FĂȘte espagnole, Dulac semble anticiper toute la vague dite impressionniste du cinĂ©ma français Louis Delluc en partie, mais Ă©galement Jean Epstein. Grande fĂ©ministe, elle est considĂ©rĂ©e comme une figure majeure de lâavant-garde cinĂ©matographique. Elle prĂŽne un art neuf, pur et intĂ©gral, se dĂ©tournant du théùtre et de la littĂ©rature et cherchant sans cesse Ă repousser les limites du rĂ©cit et de lâesthĂ©tique. F. C. Avec Eve Francis, Gabriel Gabrio, Jean Toulout Fr., 1 h 07 1926 / Les Aventures du prince Ahmed de Lotte Reiniger Nous sommes deux ans avant la naissance de Mickey et bien loin de la mass animation dont Walt Disney posera bientĂŽt les fondations lorsque lâAllemande Lotte Reiniger crĂ©e, Ă 27 ans, Les Aventures du prince Ahmed. Proche des avant-gardes expressionnistes, cette pionniĂšre de lâanimation a, en tant que dĂ©coratrice pour le théùtre, Ă©laborĂ© un art de la silhouette dĂ©coupĂ©e qui vient sublimer ce rĂ©cit muet en ombres chinoises, composite de plusieurs contes des Mille et Une Nuits. Applaudi par Renoir ou Brecht, il restera lâunique chef-dâĆuvre de Reiniger. Elle demeure cependant active presque jusquâĂ sa mort en 1981, et connaĂźt encore aujourdâhui une postĂ©ritĂ© notable avec les films de Michel Ocelot, qui lui empruntent tant ses techniques que ses thĂšmes orientalistes. T. R. All., 1 h 20 1940 / Dance, Girl, Dance de Dorothy Arzner Judy Maureen OâHara et Bubbles Lucille Ball montent sur scĂšne tous les soirs pour livrer un spectacle de danse dans deux styles diffĂ©rents Bubbles est tout en effeuillage et sĂ©duction, Judy, elle, enchaĂźne de classiques arabesques. Dans la scĂšne clef du film et de lâĆuvre dâArzner, Judy se fait huer par la foule qui veut voir plus de chair. Elle sâarrĂȘte alors de danser et livre un discours fĂ©ministe. Cette sĂ©quence se termine par une bagarre entre Judy et Bubbles. Cette lutte entre ces deux corps fĂ©minins, celui qui dĂ©nonce le male gaze et celui qui veut faire partie du systĂšme, matĂ©rialise ainsi ce qui hante le cinĂ©ma de Dorothy Arzner la tension permanente entre le dĂ©sir de montrer des femmes qui rĂ©flĂ©chissent Ă la performance et Ă la performativitĂ© du genre fĂ©minin et celui de pouvoir rassembler une foule dans une salle. Une lutte qui symbolise aussi la violence Ă©manant de la dissimulation du dĂ©sir lesbien, que ce soit celui de la cinĂ©aste ou celui de ses hĂ©roĂŻnes. I. B. Avec Maureen OâHara, Lucille Ball 1 h 30 1946 / Ritual in Transfigured Time de Maya Deren Une femme souriante Maya Deren elle-mĂȘme manipule un long morceau de laine. Une autre Rita Christiani tire le fil jusquâĂ elle. Une troisiĂšme AnaĂŻs Nin les observe en robe noire. Lâespace du film sâouvre ensuite dans un enchaĂźnement cadencĂ© de gestes, regards, danses, comme si le cinĂ©ma proposait subitement une chorĂ©graphie du monde initiĂ©e par lâexpĂ©rience et le corps des femmes. ScandĂ© par des visions sublimes proches de la transe, ce standard du cinĂ©ma non-narratif rĂ©alisĂ© en 1946 a aussi marquĂ© les esprits par son utilisation pionniĂšre de procĂ©dĂ©s aujourdâhui banalisĂ©s arrĂȘts sur images, ralentis. AmĂ©ricaine dâorigine ukrainienne, connue pour de nombreux autres films comme Meshes of the Afternoon 1943, avec Alexander Hammid, Maya Deren a eu une importance capitale au moins Ă deux titres. Dâabord dans la communautĂ© du cinĂ©ma expĂ©rimental, dont elle tenta de regrouper les forces en crĂ©ant une coopĂ©rative, avant que la mort ne lâemporte prĂ©maturĂ©ment en 1961 â Jonas Mekas reprendra alors le flambeau. Ensuite, dans la mise en Ćuvre dâun cinĂ©ma fĂ©minin, tant ses hĂ©roĂŻnes semblent crĂ©er leur espace propre, Ă lâimage du personnage principal de Ritual in Transfigured Time avançant la main ouverte devant elle et profitant de lâĂ©nergie dâautres femmes pour se mĂ©tamorphoser. O. J. Avec Rita Christiani, Maya Deren, AnaĂŻs Nin 15 min 1947 / Paris 1900 de Nicole VĂ©drĂšs Chronique de la ville de Paris de 1900 Ă 1914, le documentaire Paris 1900 est aujourdâhui une rĂ©fĂ©rence en termes de montage. La cinĂ©aste et romanciĂšre Nicole VĂ©drĂšs passe en revue la vie mondaine parisienne entre la Belle Epoque et le cataclysme de la guerre de 1914. DĂ©fini par le critique AndrĂ© Bazin comme âquelque chose de monstrueusement beau dont lâapparition bouleverse les normes esthĂ©tiques du cinĂ©maâ, câest lâĂ©lĂ©gance du ton ainsi que son goĂ»t prononcĂ© pour lâimage dâarchives qui ont fait de lâĆuvre un classique aux croisements des arts. F. C. Fr., 1 h 19 1950 / Outrage dâIda Lupino Actrice, Ida Lupino est aussi connue pour avoir Ă©tĂ© lâune des seules cinĂ©astes femmes Ă exercer Ă Hollywood dĂšs la fin des annĂ©es 1940, notamment grĂące Ă Emerald Films, la sociĂ©tĂ© de production indĂ©pendante quâelle fonde avec son mari. Ses films se caractĂ©risent par un rĂ©alisme Ăąpre de sĂ©rie B, des sujets de sociĂ©tĂ© quâelle filme les yeux ouverts, en allant droit au but, sans affĂ©teries ni glamour. On lui doit notamment un film sur les jeunes filles obligĂ©es dâabandonner leurs enfants Not Wanted, un autre sur les ravages de la bigamie The Bigamist et Outrage, rare film Ă mettre au centre de son rĂ©cit une victime de viol et Ă observer les consĂ©quences de ce cataclysme sur sa psychĂ©. Lupino ne cherche jamais Ă contourner son sujet ou Ă lui adjoindre une autre strate narrative le trauma est tellement puissant quâil aspire tout le reste. AprĂšs le drame, Ann, lâhĂ©roĂŻne, prend la fuite comme si elle avait commis un acte rĂ©prĂ©hensible, percluse de honte par son statut de victime. Se croyant sur la voie de lâoubli, elle se retrouve trĂšs vite rattrapĂ©e par sa mĂ©moire traumatique â le film fait montre dâune grande justesse psychologique. Sans optimisme excessif mais avec un dĂ©sir dĂ©vorant dâĂ©duquer son public, Outrage dĂ©ploie toutefois la possibilitĂ© dâune guĂ©rison pour sa victime et la nĂ©cessaire prise en charge des criminels. M. J. Avec Mala Powers, Tod Andrews, Robert Clarke 1 h 15 1951 / Olivia de Jacqueline Audry En attendant Varda, Jacqueline Audry 1908-1977 est la premiĂšre cinĂ©aste française de lâaprĂšs-guerre qui sâaventure dans la zone alors interdite du fĂ©minisme revendiquĂ©e. En 1946, elle rĂ©alise Les Malheurs de Sophie oĂč lâhĂ©roĂŻne est mĂ©tamorphosĂ©e en adolescente qui refuse un mariage arrangĂ©. Mais câest en 1951 avec Olivia que le propos devient explicite. DâaprĂšs le roman Ă©ponyme de Dorothy Bussy 1949, adaptĂ© par sa sĆur Colette Audry, Ă©crivaine proche de Beauvoir et de Sartre, Olivia est lâhistoire dâun couple de femmes. Dâune part, Julie Edwige FeuillĂšre, directrice dâun pensionnat de jeunes filles de bonnes familles. Dâautre part, Clara Simone Simon, son associĂ©e et amante. LâarrivĂ©e dâune nouvelle Ă©lĂšve, Olivia Marie-Claire Olivia, va bouleverser les deux femmes. Avec une frontalitĂ© sidĂ©rante pour lâĂ©poque, lâhomosexualitĂ© fĂ©minine nâest pas Ă lire entre les images, elle est de chaque plan, toute de chair et de gaĂźtĂ©, cadrĂ©e avec une sensualitĂ© contagieuse. Olivia est autant un film militant que le chef-dâĆuvre dâune grande rĂ©alisatrice. G. L. Avec Simone Simon, Edwige FeuillĂšre Fr., 1 h 35 1953 / The Bigamist de Ida Lupino La beautĂ© des sĂ©ries B dâIda Lupino tient Ă la fois au respect du cadre demandĂ© par le genre atmosphĂšre de film noir, efficacitĂ© dramatique absolue et Ă un intĂ©rĂȘt pour des sujets peu traitĂ©s par ailleurs. Ici, la double vie dâun homme dans la Californie des annĂ©es 50, oĂč le jeu des convenances sociales et conjugales est scrutĂ© comme une prison collective. Beau film sur une masculinitĂ© tout sauf triomphante, The Bigamist sâaffirme comme lâun des sommets de lâĆuvre de lâactrice-rĂ©alisatrice. Appartenant au domaine public, il est visible gratuitement sur Internet. Avec Joan Fontaine, Ida Lupino, Edmund Gwenn AmĂ©ricain, 1h23 1962 / ClĂ©o de 5 Ă 7 dâAgnĂšs Varda Sorti sur les Ă©crans en 1962, ClĂ©o de 5 Ă 7 relate deux heures de la vie dâune femme persuadĂ©e dâĂȘtre malade. Premier choc le film se dĂ©roule en temps rĂ©el, Ă la maniĂšre dâun compte Ă rebours tendu vers son dĂ©nouement â lâannonce de rĂ©sultats mĂ©dicaux qui fixeront lâhĂ©roĂŻne sur son destin. Lâautre surprise tient Ă lâomniprĂ©sence du personnage fĂ©minin Ă lâĂ©cran dans le contexte trĂšs phallocentrĂ© du cinĂ©ma de lâĂ©poque â Nouvelle Vague comprise â, le regard de Corinne Marchand devient le seul point de vue, une silhouette souveraine et radieuse, la seule marche Ă suivre. ClĂ©o est un ange dont le narcissisme se mesure Ă la quantitĂ© de fois oĂč elle se regarde dans une glace. Jusquâici, le monde Ă©tait pour elle un ocĂ©an de reflets lui renvoyant complaisamment son image â les vitrines des magasins, le regard des autres. Avec la peur, lâimage se brouille. Par le ballet Ă©tourdissant des passants, le son des actualitĂ©s Ă la radio, les nombreuses voix off, Varda projette son hĂ©roĂŻne dans un tourbillon dâaltĂ©ritĂ© auquel cette âpoupĂ©eâ autocentrĂ©e et choyĂ©e par les autres Ă©tait restĂ©e hermĂ©tique. La cinĂ©aste offre Ă ClĂ©o, objet passif et admirĂ©, engoncĂ© dans sa coquetterie, de regarder Ă son tour. Pour devenir sujet de sa propre vie. La crĂ©ation sans Dieu de la femme. E. B. Avec Corinne Marchand, Sami Frey Fr., 1 h 30 1963 / La maison est noire de Forough Farrokhzad En 1963, soit quatre ans avant sa mort prĂ©coce Ă lâĂąge de 32 ans, la poĂ©tesse iranienne Forough Farrokhzad rĂ©alisait son unique film, La maison est noire, poĂšme de vingt minutes sur une lĂ©proserie Ă Baba Baghi, au nord-ouest de lâIran. ConsidĂ©rĂ© comme lâun des prĂ©curseurs de la Nouvelle Vague iranienne, câest pourtant un film mĂ©connu. Il nous aurait Ă©tĂ© apportĂ© par le vent, comme un secret, et ce secret porte sur lâun des tabous ultimes la maladie. Farrokhzad filme le quotidien de cette maison peuplĂ©e par celles et ceux que lâon a chassĂ©es de la ville, quâon ne veut plus voir, qui sont censĂ©es vivre comme des ombres. Farrokhzad les comprend, elle qui Ă©crivait ailleurs, dans lâun de ses poĂšmes âToute mon existence est un verset obscur.â Elle nâa pas peur de pĂ©nĂ©trer dans leur intimitĂ©. Elle sây enfonce, jusquâaux entrailles, et pourtant, Ă lâimage, on ne voit jamais de malades, car face Ă sa camĂ©ra tous les corps sont dâune beautĂ© Ă©piphanique. Oui, la beautĂ© nâexiste que dans lâĆil de celui qui regarde, et ici on nâaura quâĂ se laisser bercer par la douce violence de ses images et par la poĂ©sie quâelle tire dâun cri primitif et dĂ©chirant. Peu importe alors sâil sâagit dâun film fort, dâun film beau, ou mĂȘme dâun chef-dâĆuvre comme lâavait qualifiĂ© Chris Marker, Ă qui lâon doit sa diffusion en France. La maison est noire est bouleversant car il nous emporte dans le courant souterrain dâune voix subalterne. Car, Ă travers ce film, Farrokhzad sâempare dâune place que la sociĂ©tĂ© ne lui avait pas donnĂ©e. Et comme lâexpliquait la critique littĂ©raire Gayatri Spivak dans son essai sĂ©minal de 1988, Can the Subaltern Speak ?, les subalternes ne sont pas des ĂȘtres de silence, seulement ilelles ne sont pas Ă©coutĂ©s, ilelles chuchotent dans les plis de lâhistoire. En cela, La maison est noire reste un film capital qui nous rapporte la voix de tous ces sujets subalternes les femmes, les malades, les corps non normatifs comme un courant Ă©lectrique et secret, comme un poison Ă©pais, comme un sortilĂšge. E. L. Avec Forugh Farrokhzad, Ebrahim Golesta Iran, 20 min 1965 / Le Bonheur dâAgnĂšs Varda âJe suis moi, encore plusâ, rĂ©pond François, avec un sourire et des caresses, quand sa maĂźtresse lui demande comment il peut aimer deux femmes. François se croyait parfaitement heureux avec ThĂ©rĂšse et leurs deux enfants. Il lâĂ©tait. Mais il a rencontrĂ© Emilie, ils sont tombĂ©s amoureux, et maintenant, câest encore mieux. Mieux, ennemi du bien ? Peut-ĂȘtre. Mais, Ă aucun moment, AgnĂšs Varda ne considĂšre cette histoire du point de vue de la morale. Il aurait fallu pour cela quâelle charge son personnage de doutes et de regrets. Il nâen est rien. Les fleurs lâintĂ©ressent plus que les remords. Le prĂ©sent et la beautĂ© davantage que le mal â celui que François fait Ă sa femme, par son bonheur Ă©goĂŻste. Si elle filme les caresses, elle filme leur sensualitĂ©, pas leur caractĂšre coupable. Son regard empreint dâune immense douceur, en fait Ă mes yeux toute la force. La cruautĂ© du rĂ©cit peut nous blesser. Elle nous blesse. Mais pourquoi se rĂ©volter si le dĂ©sir a rĂ©sistĂ©, si la vie a repris ses droits, si câest Ă elle que la cinĂ©aste a voulu donner le dernier mot ? En revoyant ce film, jâai Ă©tĂ© de nouveau Ă©blouie par la libertĂ© dâAgnĂšs Varda, par son insolente tranquillitĂ©. Le bonheur, la plĂ©nitude, la joie câest ce quâelle incarne pour moi. Joie de vivre, de voir, dâaimer. Et de filmer, sans remords, sans honte, sans la mauvaise conscience qui nous menace aujourdâhui. Varda disparue, qui osera encore filmerle bonheur ? M. Avec Jean-Claude Drouot, Marie-France Boyer Fr., 1 h 19 1966 / Les Petites Marguerites de VÄra ChytilovĂĄ âĂa te gĂȘne ? â Nonâ Ă Prague dans les annĂ©es 1960, deux jeunes filles prĂ©nommĂ©es Marie font nâimporte quoi. Dans ce deuxiĂšme long de Vera ChytilovĂĄ, seule femme de la Nouvelle Vague tchĂšque Milos Forman, Jiri Menzel, il sâagit de ruiner et de gĂącher le plus de choses possible la nourriture, les fĂȘtes, leur temps, les rendez-vous avec les hommes, les vĂȘtements. La figure nouvelle de la fofolle invente un burlesque politique intense â quâon retrouve dans CĂ©line et Julie vont en bateau de Rivette. Les Petites Marguerites se place sous le signe de la dĂ©pense avec une grande Ă©conomie de moyens, cherchant Ă exprimer de la façon la plus condensĂ©e et littĂ©rale lâenvie de tout casser, dont le film lui-mĂȘme. L. C. Avec Jitka CerhovĂĄ, Ivana KarbanovĂĄ, Julius Albert Tch., 1 h 14 1967 / Portrait of Jason de Shirley Clarke Câest un film sur le spectacle de soi. Câest un exercice de confession. Câest une odyssĂ©e de lâĂ©chec. Et câest quasiment du stand-up. Jason Holliday, combinaison de toutes les marginalitĂ©s possibles de lâAmĂ©rique des sixties il est noir, homosexuel, call-boy, prostituĂ©, fait face Ă la camĂ©ra de Shirley Clarke qui, hors champ et accompagnĂ©e dâun certain Carl, lui demande de raconter sa vie. Pendant toute une nuit, il se donne en spectacle, tour Ă tour fascinant et agaçant. âArrĂȘte de rire Jason ! Parle-nous de toi ! Ta mĂšre, ton enfance, les hommes que tu as aimĂ©sâŠâ Jamais un exercice de portrait au cinĂ©ma ne sâest Ă ce point construit sur une lutte, opposant brutalement jusquâĂ lâinsulte le sujet filmĂ© et le ou la cinĂ©aste. RythmĂ© par les âIâll never tellâ de Jason, le film oppose la rĂ©alisatrice Ă une carapace de gaĂźtĂ© quâelle et son compagnon encore plus violent ne parviennent jamais vraiment Ă percer. En filigrane, Portrait of Jason traduit Ă©galement une authentique haine dâHollywood, qui sâexprime dans le corps mĂȘme de Jason il incarne la limite du show, une surface euphorique dĂ©truite de lâintĂ©rieur. Ce nâest pas anodin que Shirley Clarke, tĂȘte de file avec Jonas Mekas de lâunderground new-yorkais des annĂ©es 1960, dĂ©cide de filmer un tel dĂ©raillement du spectacle. J. T. Avec Jason Holliday et les voix de Shirley Clarke et Carl Lee 1 h 45 1969 / La fiancĂ©e du Pirate de Nelly Kaplan AprĂšs la mort de sa mĂšre avec qui elle vivait dans la pauvretĂ© et en rĂ©action Ă lâindiffĂ©rence des hommes de pouvoir locaux, une jeune femme dâun petit village dĂ©cide de se prostituer et finit par semer Ă la zizanie, dĂ©voilant lâimpunitĂ© et la violence dâun systĂšme. Bernadette Lafont incarne Marie dans ce manifeste fĂ©ministe et bordĂ©lique de la fin des sixties, Ă la portĂ©e toujours rageuse cinquante et un ans plus tard. Venue dâArgentine, la rĂ©alisatrice Nelly Kaplan, longtemps proche dâAbel Gance et dâAndrĂ© Breton, a rĂ©alisĂ© plusieurs autres films aprĂšs son brillant coup dâessai, puis beaucoup Ă©crit pour la tĂ©lĂ©vision. Avec Bernadette Lafont, Georges GĂ©ret, Michel Constantin Fr, 1h43 1970 / Wanda de Barbara Loden La puissance de la premiĂšre et unique rĂ©alisation de Barbara Loden tient tout entiĂšre dans cette phrase de Marguerite Duras Ă son sujet âJe considĂšre quâil y a un miracle Wanda. Dâhabitude, il y a une distance entre la reprĂ©sentation et le texte, entre le sujet et lâaction. Ici, cette distance est complĂštement annulĂ©e, il y a une coĂŻncidence immĂ©diate entre Barbara Loden et son sujet.â Ou comment lâĂ©pouse sous-estimĂ©e dâun cinĂ©aste cĂ©lĂšbre, Elia Kazan, se projeta dans la figure dâune mĂšre de famille en rupture de ban, transformant un fait divers en Ă©popĂ©e subjective et quasi documentaire chevillĂ©e au corps de lâactrice-rĂ©alisatrice. Ayant coĂ»tĂ© six ans de sa vie Ă Loden, qui peina Ă rĂ©unir un budget pourtant modeste 200 000 dollars, Wanda, sorti en 1970 mais peu visible en France avant 2003, est passĂ© en quelques dĂ©cennies de statut dâĆuvre oubliĂ©e Ă celui de film culte, oĂč la rĂ©pression sociale des femmes atteint des sommets de mĂ©lancolie nihiliste. E. B. Avec Barbara Loden, Michael Higgins 1 h 42 1971 / Les Longs Adieux de Kira Muratova CinĂ©aste rare, dâorigine ukrainienne mais travaillant avec difficultĂ© dans le systĂšme soviĂ©tique, Kira Muratova signe, avec Les Longs Adieux, un exceptionnel deuxiĂšme long-mĂ©trage. RĂ©alisĂ© en 1971, mais dĂ©couvert seulement Ă la fin des annĂ©es 1980, Ă la faveur de la perestroĂŻka, ce film radiographie les relations mouvantes et conflictuelles entre une mĂšre et son fils, Ă peine sorti de lâadolescence. La texture de la mise en scĂšne, flottante au meilleur sens du terme mais aussi dâune virtuositĂ© Ă©blouissante, entraĂźne le film vers des rivages discrĂštement oniriques. Dans un noir et blanc splendide mais jamais ostentatoire, câest tout un monde qui ressurgit devant nous. Le monde Ă©tincelant de Kira Muratova, grande cinĂ©aste qui transcende les clivages genrĂ©s, quâil faut encore et encore redĂ©couvrir. T. J. Avec Zinaida Sharko, Oleg Vladimirsky Union Sov., 1 h 37 1972 / Nathalie Granger de Marguerite Duras En 1972, Duras a dĂ©jĂ rĂ©alisĂ© trois films La Musica, DĂ©truire, dit-elle et Jaune le soleil. Pour Nathalie Granger, elle installe chez elle, dans sa maison de Neauphle, une demi-douzaine de personnes, dont Lucia BosĂš et Jeanne Moreau. Toutes deux furent des Ă©gĂ©ries antonioniennes, et quelque chose des dĂ©ambulations hagardes du cinĂ©aste se prolonge dans ces errements de deux femmes dans la gĂ©ographie dâune maison dont le sol en damier nâest pas sans Ă©voquer La Nuit. Lucia BosĂš est la mĂšre dâune petite fille de 8 ans, Nathalie Granger, que son Ă©cole juge trop violente pour poursuivre sa scolaritĂ©. La radio annonce au dĂ©but du film que deux adolescents criminels, aprĂšs avoir abattu un garagiste, sont en cavale dans la forĂȘt voisine. Les deux femmes ont peur, elles attendent. Quâattendent ces femmes, sinon que la violence qui gronde dehors, qui germe dans le comportement inquiĂ©tant de la petite Nathalie vienne tout dĂ©vaster dans leur maison ? Ici, la violence est toujours en puissance. Lâaction aussi. La maison, comme le cinĂ©ma de Duras, est un trou noir. Toute forme de rĂ©cit, dâĂ©vĂ©nement, la possibilitĂ© mĂȘme de la reprĂ©sentation sây dĂ©matĂ©rialisent. DĂ©jĂ les miroirs capturent les corps et sây substituent. DĂ©jĂ la voix des comĂ©diens ne provient plus du cadre, mais plutĂŽt du hors-champ trois ans plus tard, la cinĂ©aste systĂ©matise le procĂ©dĂ© pour son film le plus cĂ©lĂšbre, India Song. Duras nâen est quâĂ la mise en place de son opĂ©ration de dĂ©membrement du cinĂ©ma. LĂ aussi, un grand geste de rupture donc de violence se dessine, mais reste en puissance, et trouvera des actualisations de plus en plus fortes jusquâĂ lâĂ©cran noir, neuf ans plus tard, de LâHomme atlantique. Câest ce qui rend Nathalie Granger aussi beau. Câest un film de suspension, juste au bord du vide, mais sans sây jeter. Un film qui attend, lâĂ©ternitĂ© Ă ses cĂŽtĂ©s. L. Avec Jeanne Moreau, Lucia BosĂš, GĂ©rard Depardieu Fr., 1 h 25 1972 / Mimi mĂ©tallo blessĂ© dans son honneur de Lina WertmĂŒller Lina WertmĂŒller nĂ©e en 1928, fille rebelle de la bourgeoisie romaine, fut lâassistante de Fellini notamment sur 8 1/2 avant de passer Ă la rĂ©alisation dans les annĂ©es 1960-70 avec une palanquĂ©e de comĂ©dies dont Mimi mĂ©tallo blessĂ© dans son honneur est le point dâorgue. Rendre grotesques et pathĂ©tiques tant les codes dâhonneur de la Mafia sicilienne que le machisme ambiant, il fallait oser, et WertmĂŒller sâadonne Ă cette satire dans une mixture rĂ©jouissante dâanarchisme et de bras dâhonneur. Mimi mĂ©tallo valut Ă WertmĂŒller une notoriĂ©tĂ© internationale qui profita Ă Giancarlo Giannini, son acteur fĂ©tiche. G. L. Avec Giancarlo Giannini, Mariangela Melato It., 2 h 01 1974 / Je, tu, il, elle de Chantal Akerman Une annĂ©e avant le chef-dâĆuvre akermanien Jeanne Dielman, la jeune cinĂ©aste belge, pour son premier long-mĂ©trage de fiction, se met en scĂšne comme hĂ©roĂŻne quasiment mutique dĂ©couvrant sa subjectivitĂ© en arrĂȘtant de se nourrir, Ă part un peu de sucre, et en se mettant Ă lâĂ©criture. La sĂ©quence qui reste collĂ©e Ă notre rĂ©tine est celle dâune longue scĂšne de sexe entre deux jeunes femmes. La camĂ©ra est au niveau du lit, Ă environ un mĂštre de distance, assez loin pour capter la chorĂ©graphie de lâenchevĂȘtrement des corps, et assez prĂšs pour ĂȘtre bouleversĂ©e par ce rapport qui sort de tous les codes. Pendant la sĂ©quence suivante, lâamante de Julie disparaĂźt entre ses cuisses pendant de longues minutes. On nâentend et on ne voit pas Julie jouir, le plan se termine arbitrairement comme si lâorgasme nâĂ©tait pas une fin en soi. La jouissance fĂ©minine nâest pas contenue, elle dĂ©borde, elle ne sâarrĂȘte pas. I. B. Avec Chantal Akerman, Nils Arestrup Bel., Fr., 1 h 30 1974 / Portier de nuit de Liliana Cavani Dans un hĂŽtel de Vienne, une ancienne dĂ©portĂ©e retrouve son bourreau, un ex-officier SS devenu portier de nuit, et renoue avec lui une liaison morbide. Planant et hypnotique, cette passion dĂ©vorante a fait scandale Ă sa sortie, provoquant ainsi son interdiction en Italie et son classement X aux Etats-Unis. Ce film bien ancrĂ© dans son Ă©poque seventies, a fait de Liliana Cavani lâune des premiĂšres rĂ©alisatrices italienne Ă sâinscrire dans la gĂ©nĂ©ration de cinĂ©astes postĂ©rieure aux NĂ©orĂ©alistes. Dans un style RomĂ©o et Juliette teintĂ© de sadomasochisme, la cinĂ©aste puise dans son travail documentaire rĂ©alisĂ© en 1963 Ă propos des femmes dans la RĂ©sistance. Avec Dirk Bogarde, Charlotte Rampling, Philippe Leroy-Beaulieu Italie, 1h58 1975 / Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman âUne nuit, jâĂ©tais dans mon lit en train de somnoler et tout Ă coup, jâai vu le film.â Câest ainsi que Chantal Akerman raconte la genĂšse de Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles. Un flash foudroyant surgi Ă la bordure du somme, une forme qui se dĂ©cante sur fond de relĂąchement de la conscience, une pure vision qui transperce la nuit câest tout cela Jeanne Dielman, un film proprement inimaginable, une Ćuvre tellement immense quâelle excĂšde tout autour dâelle Ă commencer par lâĆuvre Ă venir de son autrice, alors ĂągĂ©e de 25 ans. Jeanne Dielman Delphine Seyrig, sublime Ă jamais est une veuve entre deux Ăąges, qui vit Ă Bruxelles, avec son fils de 17 ans. Le film dĂ©crit une cinquantaine dâheures du quotidien de cette femme, dont la vie sâorganise comme un ballet mĂ©canique de gestes domestiques. Jeanne Dielman fait la cuisine, met la table, sert son fils, dĂźne, dĂ©barrasse la table, fait la vaisselle, range la cuisine. Jeanne Dielman dĂ©fait son lit, sâendort, refait son lit, se lave mĂ©thodiquement dans sa baignoire, sâhabille, cire les chaussures de son fils. Et cela ad libitum, rien de moins que trois heures vingt. Il suffisait de filmer ces actions dans une durĂ©e proche du temps rĂ©el pour enregistrer quelque chose de jamais vu une construction sociale â la femme au foyer â qui ne tolĂšre aucune extĂ©rioritĂ©, une aliĂ©nation consentie qui, si on en dĂ©rĂšgle les procĂ©dures, aboutit Ă une catastrophe. A partir de ce qui constitue le dĂ©chet du cinĂ©ma classique lâhyper-quotidiennetĂ©, lâaddition des temps morts, le film invente une forme dâune stylisation inouĂŻe, aux antipodes du naturalisme, qui ne cessera de dĂ©poser dans tout le cinĂ©ma mondial ses germes dâextrĂȘme rigueur, de construction en boucles rĂ©pĂ©titives et dâĂ©trangetĂ© ritualisĂ©e de Tsai Ming-liang Ă Gus Van Sant, de Michael Haneke Ă Kelly Reichardt. En regardant ce quâon ne regardait pas, Chantal Akerman a aussi, Ă jamais, changĂ© la façon de regarder. L. Avec Delphine Seyrig Bel., 3 h 18 1975 / AloĂŻse de Liliane de Kermadec Film rare, AloĂŻse est lâĆuvre la plus connue de Liliane de Kermadec, rĂ©alisatrice française dĂ©cĂ©dĂ©e le mois dernier. Il retrace la vie de la suissesse AloĂŻse Corbaz. Cette femme internĂ©e en asile psychiatrique peignit toute sa vie des tableaux reprĂ©sentants les princes et les princesses qui peuplaient son imaginaire. Figure emblĂ©matique de lâart brute, elle est interprĂ©tĂ©e par Delphine Seyrig, qui poursuit ici le projet de toute une carriĂšre jalonnĂ©e de rĂŽles profondĂ©ment fĂ©ministes. Co-scĂ©narisĂ© par AndrĂ© TĂ©chinĂ©, AloĂŻse est aussi lâun des premiers rĂŽles dâIsabelle Huppert, qui joue le jeune AloĂŻse et qui recevra pour ce film sa toute premiĂšre nomination aux CĂ©sar. Avec Caroline Huppert, Hans Verner, Nita Klein Fr, 1h55 1976 / Sois belle et tais-toi de Delphine Seyrig En 1976, Delphine Seyrig prend la camĂ©ra avec son amie Carole Roussopoulos au cadre pour rendre la parole. Le film se compose de vingt-trois entretiens avec des actrices de diffĂ©rents pays, de notoriĂ©tĂ©s diverses, de Jane Fonda Ă Maria Schneider, qui commentent lâordinaire des violences sexistes auxquelles les confronte leur travail. Dans sa forme brute plans longs et frontaux, rugueuse noir et blanc et gros grain, le film enregistre impeccablement ce quâon nâappelait pas encore, mais qui advient avec une puissance inouĂŻe, la libĂ©ration dâune parole. L. Avec Jane Fonda, Juliet Berto, Maria Schneider, Ellen Burstyn Fr., 1 h 51 1976 / News from home de Chantal Akerman Les personnages akermaniens sont presque toujours aux prises avec un dispositif dâenfermement. Un an aprĂšs lâappartement sans dehors de Jeanne Dielman, la cinĂ©aste parle dâune fuite avortĂ©e. Partie vivre quelques annĂ©es Ă New York, Chantal Akerman filme la ville Ă la frontiĂšre de la nuit et du jour, lorsque les rues sont dĂ©peuplĂ©es, que les premiĂšres lueurs diurnes pointent, que lâespĂšce humaine tout entiĂšre est ensommeillĂ©e. Sauf lâautrice, insomniaque toujours en veille. Chantal Ă©grenne sur la bande-son la lecture des lettres que lui envoie sa mĂšre. Des lettres qui disent le manque, la solitude, lâinquiĂ©tude. Des lettres culpabilisantes qui opĂšrent comme un chant de sirĂšne et ramĂšnent vers le dedans, le giron, la fille envolĂ©e dehors. Le dernier plan, inoubliable, voit la skyline de Manhattan disparaĂźtre dans les brumes, comme un dehors dĂ©jĂ perdu. Rarement un film aussi conceptuel une succession de plans de buildings aura Ă©tĂ© si peu aride et si Ă©mouvant. 1976 / Mikey and Nicky dâElaine May En 1970, John Cassavetes Ă©rige un monument Ă la gloire de lâamitiĂ© masculine, ses beuveries, sa lassitude, sa tristesse et ses joies Husbands. En 1975, lâactrice, scĂ©nariste et cinĂ©aste Elaine May poursuit malicieusement le geste de Cassavetes et ausculte lâamitiĂ© fatiguĂ©e de Mikey et Nicky, incarnĂ©s par Falk et Cassavetes qui se laissent aller Ă leur tour prĂ©fĂ©rĂ© vivre devant une camĂ©ra. La trame mafieuse nâest lĂ que pour servir de prĂ©texte Ă capter lâerrance de deux hommes obligĂ©s de se souder, se sauver lâun lâautre. Le duo fait ce quâon attend de lui boire, fumer, divaguer, philosopher dans un cimetiĂšre ou se rendre chez une prostituĂ©e, se trahir aussi. Etrangement, le film de May Ă©prouve une sympathie infinie pour ses personnages masculins, le regard se fait un peu moins puissant et empathique lorsquâil sâagit de faire vivre ses personnages fĂ©minins. Si lâon ignore quâune femme se trouve derriĂšre la camĂ©ra, il est impossible de le deviner. Un cas passionnant. M. J. Avec John Cassavetes, Peter Falk 1 h 59 1976 / Harlan County USA de Barbara Kopple Barbara Kopple nĂ©e en 1947 fait son apprentissage de cinĂ©aste auprĂšs des documentaristes Albert et David Maysles. Au dĂ©but des annĂ©es 1970, elle est la monteuse de Winter Soldier, enquĂȘte sur les vĂ©tĂ©rans du Vietnam. En 1973, elle filme pendant plus dâun an la grĂšve des mineurs de Brookside, dans le comtĂ© de Harlan Kentucky. Harlan County USA sort en 1976 et fait grand bruit jusquâĂ rĂ©colter un Oscar. Immersion et empathie, du cĂŽtĂ© des damnĂ©s de la mine, sans contrepoint syndicats, patrons censĂ©ment objectif et consensuel. Un documentaire formidablement engagĂ© qui privilĂ©gie le rĂŽle majeur des femmes dans la grĂšve. G. L. Avec Norman Yarborough, Houston Elmore 1 h 43 1976 / LâHonneur perdu de Katharina Blum de Margarethe von Trotta DâaprĂšs le roman Ă©ponyme de Heinrich Böll, LâHonneur perdu de Katharina Blum fut corĂ©alisĂ© en 1975 par Volker Schlöndorff et son Ă©pouse dâalors, Margarethe von Trotta. Dans ce duo, il est facile de dĂ©tecter un regard singuliĂšrement fĂ©minin. Ne serait-ce que parce que le film est le portait dâune femme, Katharina, gouvernante chez un avocat. Une femme sans histoires, jusquâĂ sa rencontre avec un inconnu qui va se rĂ©vĂ©ler ĂȘtre un criminel en fuite. La police arrĂȘte Katharina comme complice prĂ©sumĂ©e. DĂšs lors la presse Ă scandale sâempare de sa vie et la dĂ©truit. Autre touche fĂ©minine majeur, lâincarnation, plus que lâinterprĂ©tation, du rĂŽle de Katharina par Angela Winkler, lĂ©gende vivante du théùtre dirigĂ©e entre autres par Peter Zadek ou Thomas Ostermeier et du cinĂ©ma allemand ScĂšnes de chasse en BaviĂšre de Peter Fleischmann, Le Tambour de Volker Schlöndorff, Bennyâs video de Michael Haneke ou, plus rĂ©cemment, Sils Maria dâOlivier Assayas. Corps et Ăąme, Angela Winkler est Katharina Blum Honneur perdu dâune femme rĂ©signĂ©e, honneur retrouvĂ© dâune femme rĂ©voltĂ©e. Avec Angela Winkler, Mario Adorf, JĂŒrgen Prochnow Allemand, 1h45 1977 / Le camion de Marguerite Duras âCa aurait Ă©tĂ© une route, au bord de la mer. Elle aurait traversĂ© un grand plateau nu. Et un grand camion serait arrivĂ© et aurait traversĂ© la plaineâ. Câest Marguerite Duras qui parle de son film, mais Ă lâintĂ©rieur de son film. En voix off. Une voix off simplement dĂ©notative, qui ne dit rien de plus que ce quâon voit des plans dâun camion qui en effet roule au travers dâune plaine. Mais qui peu Ă peu se dĂ©colle de lâimage, la peuple de personnages, dâhistoires quâelle ne comprend pas, parle dâune femme ramassĂ©e sur la route qui Ă©voque lâĂ©puisement de la lutte des classes, de lâobscurcissement du langage et psalmodie une seule phrase âQue le monde aille Ă sa perteâ. Peu Ă peu il nây a mĂȘme plus de camion Ă lâimage. Juste Marguerite Duras qui lit le texte face Ă GĂ©rard Depardieu. âCâest un film ?â demande Depardieu avec la prudence dâun collĂ©gien qui oserait prendre la parole durant la classe dâun professeur sĂ©vĂšre. âĂa aurait Ă©tĂ© un film !â rĂ©pond, dĂ©finitive, la cinĂ©aste. PlutĂŽt que de commenter Le camion, de disserter sans fin sur la dĂ©construction de toutes les composantes du cinĂ©ma reprĂ©sentatif que le film opĂšre, on a envie de se laisser la joie de le dĂ©crire. DĂ©crire ce que nous voyons quand sur lâĂ©cran Duras dĂ©crit ce que nous ne voyons pas. Le camion est le plus beau film descriptig de lâhistoire du cinĂ©ma. Ce quâil nous dit de ses voix off, câest que filmer nâest rien sinon dĂ©crire et que dĂ©crire, câest Ă©crire. DĂ©crire, dit-elle. Avec Gerard Depardieu Fr, 1h20 1979 / Simone BarbĂšs ou la Vertu de Marie-Claude Treilhou Simone BarbĂšs traverse sa nuit entiĂšre au beau milieu dâune dĂ©bauche anodine, vĂ©cue et quotidienne, vraiment dĂ©barrassĂ©e du scandale â du monde mĂąle dâun cinĂ© porno oĂč elle est ouvreuse Ă la boĂźte lesbienne, espaces irrĂ©conciliables mais qui ne valent pas mieux lâun que lâautre, et dont on sâĂ©chappe pour lâaube, dans la voiture dâun inconnu. Dans Simone BarbĂšsâŠ, la pornographie reste hors cadre et dans lâentrĂ©e, bande sonore cocasse et grave, comme commentaire de la lutte des sexes. Mais le sexe est la fausse vĂ©ritĂ© des corps, et la vertu, pour souhaitable quâelle reste, nâa rien Ă voir avec tout ça câest tenir bon et parler vrai, missions infinies, impossibles. Câest pourquoi le film allie le pathĂ©tique et lâoblique, oĂč le pathos du vĂ©cu, quâexprime la frontalitĂ© des plans plaquĂ©e sur la fatigue des corps, est sans cesse inflĂ©chi et traversĂ© par la diagonale du ton ou du sens, toujours penchĂ©, faussĂ©, un peu charade insaisissable, ma parole. Lâouvreuse Treilhou, entrant au cinĂ©ma, a frayĂ© et atteint, du premier coup, tout ce qui ne se dit pas. L. C. Avec Ingrid Bourgoin, Michel Delahaye Fr., 1 h 25 1980 / Allemagne mĂšre blafarde dâHelma Sanders-Brahms Helma Sanders-Brahms 1940-2014 est lâune des rares femmes du mouvement labĂ©lisĂ©, dans les annĂ©es 1970, ânouveau cinĂ©ma allemandâ. Elle y trouve sa place Ă part entiĂšre en 1980 avec Allemagne mĂšre blafarde. Dans lâAllemagne de la dĂ©faite nazie et de la reconstruction, le film chronique la survie de Lene Eva Mattes, mĂšre courage le titre du film est empruntĂ© Ă un poĂšme de Brecht dâune jeune Anna. Exodes, souffrances et destructions. Le regard est quasi documentaire mais il instruit surtout le destin dâune femme âcĂ©libataireâ face au grand chambardement de lâhistoire. Un regard sombre, tant sur le passĂ© que sur le prĂ©sent de lâAllemagne qui, en 1980, sortait Ă peine du trauma terroriste incarnĂ© par les membres du groupe Baader-Meinhof. Câest la puissance et lâintelligence du film le nazisme et sa ruine nây sont pas seulement envisagĂ©s comme une Ă©pouvante, mais aussi comme une âchanceâ pour Lene qui profite de la dĂ©bĂącle gĂ©nĂ©ralisĂ©e pour sâaffranchir du joug conjugal et patriarcal. Si catastrophe il y a, elle se cache au final sous le masque du retour au foyer oĂč le dĂ©ni des crimes commis durant la guerre et le machisme de son mari retrouvĂ© figent le visage de lâhĂ©roĂŻne en une inquiĂ©tante paralysie faciale. G. L. Avec Eva Mattes, Ernst Jacobi All., 2 h 03 1981 / The Decline of Western Civilization de Penelope Spheeris Deux choses expliquent la longue fascination quâa toujours inspirĂ©e The Decline of Western Civilization. La premiĂšre tient Ă son affiche, qui Ă©tait aussi la pochette de lâalbum qui fit la rĂ©putation de ce documentaire brutal sur la scĂšne punk Ă Los Angeles, sorti en 1981. On y voyait Darby Crash, des Germs, allongĂ©, les yeux clos. Une affiche conçue Ă lâautomne 1980, peu de temps avant que le chanteur ne se suicide en sâinjectant une surdose dâhĂ©roĂŻne, Ă 22 ans â le 7 dĂ©cembre 1980, la veille de lâassassinat de John Lennon. De fait, les moments concernant les Germs sont les plus stupĂ©fiants du film, parce que le groupe Ă©tait sur scĂšne lâincarnation du chaos bannis de quasiment tous les clubs, et The Decline⊠est un film Ă 75 % constituĂ© de scĂšnes live, mais voir Darby et sa copine dĂ©crire les photos quâils ont shootĂ©es avec des amis autour du cadavre dâun peintre mort dâune crise cardiaque au rez-de-chaussĂ©e de leur appart est le rĂ©sumĂ© nihiliste dâun mouvement nĂ© de lâennui dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© des banlieues amĂ©ricaines. La grande spĂ©cificitĂ© de ce documentaire est surtout de montrer Ă quel point cette scĂšne, aussi violente soit-elle, Ă©tait emmenĂ©e par une poignĂ©e de filles intelligentes et vĂ©nĂšres Exene Cervenka de X, Alice Bag des Bags, plus une moitiĂ© des Germs, jusquâĂ la journaliste Melanie Nissen, du lĂ©gendaire fanzine Slash. En aurait-il Ă©tĂ© ainsi si The Decline... nâavait pas Ă©tĂ© lâĆuvre dâune rĂ©alisatrice ? Soit lâincroyable Penelope Spheeris, fille dâun immigrĂ© grec, forain, assassinĂ© quand elle avait 9 ans, ayant grandi dans des mobile homes, parmi les trailer trash, cette sous-population fauchĂ©e qui habite les trailer parks. La base mĂȘme de lâexclusion sociale qui fait lâADN du punk, elle connaĂźt. Aussi le punk-rock est partout dans les films suivants, que ce soit Suburbia 1984, The Boys Next Door 1985, avec Charlie Sheen ou mĂȘme Wayneâs World, son tube de 1992 avec Mike Myers. Cette maverick est par ailleurs la cousine du cinĂ©aste Costa-Gavras. P. A. Avec Alice Bag, Black Flag 1981 / Neige de Juliet Berto Pour son premier film corĂ©alisĂ© en 1981 avec son compagnon Jean-Henri Roger, Juliet Berto, actrice nouvelle vague Godard, Rivette, a choisi le titre Neige par goĂ»t dâun jeu entre les mots la neige dĂ©signe plus ici le nom de code de la drogue dure hĂ©roĂŻne, cocaĂŻne quâun phĂ©nomĂšne mĂ©tĂ©o. Entre la place Blanche autre nom Ă tiroir et Pigalle, Anita Juliet Berto, barmaid, se dĂ©mĂšne entre toxicos, flics, dealers et divers marginaux. Dans ce film noctambule, la lumiĂšre fait rage, captĂ©e dans ses clairs-obscurs par le directeur de la photographie William Lubtchansky. On parla Ă lâĂ©poque de rĂ©alisme poĂ©tique. On pourrait aujourdâhui parler de rĂ©alisme tout court, tant Neige apparaĂźt comme un quasi documentaire sur un underground parisien disparu, mais gorgĂ© dâune tendresse, toujours dâactualitĂ©, pour les moins que rien. Et puis LA Berto, telle quâelle fut chantĂ©e par Yves Simon Belle et opalescente, partie Ă jamais en 1990 âau pays des merveilles de Juliet.â Avec Jean-François StĂ©venin, Juliet Berto, Robert Liensol Fr, 1h30 1 h 41 1981 / Freak Orlando dâUlrike Ottinger Contemporaine mais dissidente du nouveau cinĂ©ma allemand des annĂ©es 1970, croisant nĂ©anmoins le travail de Werner Schroeter avec qui elle partage une Ă©gĂ©rie, lesbienne militante, Magdalena Montezuma, et une certaine exubĂ©rance lyrique, Ulrike Ottinger a construit lâune des Ćuvres les plus dĂ©bridĂ©es et folles du cinĂ©ma mondial. Bouffonnerie carnavalesque oĂč trĂŽne, impĂ©riale, Delphine Seyrig, Freak Orlando porte au sommet le style convulsif et strident de la cinĂ©aste. L. Avec Magdalena Montezuma, Delphine Seyrig, Albert Heins All. de lâO., 2 h 06 1982 / Boat People dâAnn Hui La Hong-Kongaise Ann Hui nĂ©e en 1947, lâune des rares femmes cinĂ©astes de son pays, surgit en 1982 au Festival de Cannes avec Boat People. Titre international trompeur lâoriginal se nomme Passeport pour lâenfer, car cette fiction ne dĂ©crit pas lâexode des Vietnamiens mais la situation du pays dans les annĂ©es qui suivirent le retrait des troupes amĂ©ricaines. Sâappuyant sur des entretiens avec des rĂ©fugiĂ©s vietnamiens, collectĂ©s pour un documentaire tĂ©lĂ© rĂ©alisĂ© en 1979, Boat People, sans pathos Ă sensation, dĂ©crit lâarriĂšre-monde dâune situation politique et Ă©conomique catastrophique dictature et famine. G. L. Avec George Lam, Cora Miao 1 h 49 1983 / Rue Cases-NĂšgres dâEuzhan Palcy AdaptĂ© du roman autobiographique de Joseph Zobel publiĂ© en 1950, Rue Cases-NĂšgres nous plonge dans le contexte du gouvernorat des annĂ©es 1930 de la Martinique. Dans un milieu agricole, JosĂ©, 11 ans, orphelin Ă©levĂ© par sa grand-mĂšre, travaille dans des champs de canne Ă sucre mais aspire Ă une Ă©ducation. A travers cette réécriture fidĂšle, la Martiniquaise Euzhan Palcy scrute une sociĂ©tĂ© oĂč lâesclavagisme aboli a laissĂ© des traces profondes. Elle obtient, en 1983, le Lion dâargent du meilleur premier film Ă la Mostra de Venise et est la premiĂšre femme Ă recevoir le CĂ©sar, lâannĂ©e dâaprĂšs, de la meilleure premiĂšre Ćuvre. F. C. Avec Darling LĂ©gitimus, Douta Seck Fr., 1 h 40 1985 / Sans toit ni loi dâAgnĂšs Varda Le cinĂ©ma expressif dâAgnĂšs Varda trouve en 1985 sa grĂące la plus entiĂšre en accompagnant sur la route une fille sale et libre, Sandrine Bonnaire, qui nâavait pas 18 ans. Sans toit ni loi restaurĂ© continue dâappartenir au genre des films parfaits. Et Varda dâĂȘtre, parmi ceux qui commencĂšrent Ă la fin des annĂ©es 50 Ă transformer la visĂ©e du cinĂ©ma, celle qui cherche la maĂźtrise de lâexpressivitĂ© inventer des formes qui transmettent directement, plastiquement, le sens dâune expĂ©rience humaine. Or elle le fait en peignant le trajet dâun personnage qui reste mystĂ©rieux prĂ©sente et illisible par tous. Câest quâil nây a rien Ă lire que cette prĂ©sence et les lieux quâelle traverse, toute interprĂ©tation de sa vie par ceux qui la croisent Ă©quivalant au malaise de la âsociĂ©tĂ©â devant ces deux valeurs asociales libertĂ©, saletĂ©. Le destin de Mona, câest la pure expressivitĂ© sans loi, sans langage. Avec Sandrine Bonnaire, Macha MĂ©ril, StĂ©phane Freiss Fr, 1h45 1985 / Recherche Susan dĂ©sespĂ©rĂ©ment de Susan Seidelman De toutes les tentatives cinĂ©matographiques de Madonna, la premiĂšre fut la meilleure, avec cette aventure sautillante dans le New York du milieu des annĂ©es 80, oĂč deux femmes Madonna, en petite dĂ©linquante sortie de prison, Rosanna Arquette en femme au foyer dĂ©sespĂ©rĂ©e façonnent leur Ă©mancipation au son dâInto The Groove. La rĂ©alisatrice Susan Seidelman sâest inspirĂ©e notamment du grand film seventies de Jacques Rivette, CĂ©line et Julie vont en bateau. Elle avait auparavant mis en scĂšne un premier long-mĂ©trage culte sur les annĂ©es post-punk, Smithereens 1982, avec lâiconique Richard Hell du groupe Television et une bande-son des Feelies â Ă la clef, une sĂ©lection cannoise en compĂ©tition. Seidelman se dĂ©marquera plus tard en rĂ©alisant plusieurs films comme Cookie, en 1989, co-Ă©crit par Nora Ephron, mais Ă©galement dans les sĂ©ries, dirigeant notamment le pilote de Sex And The City en 1998. Avec Rosanna Arquette, Madonna, Aidan Quinn AmĂ©ricain, 1h44 1986 / Sleepwalk de Sara Driver Production de la nouvelle Ă©cole indĂ©pendante new-yorkaise, Sleepwalk suit le personnage de Nicole, une jeune claviste dans une imprimerie qui va traduire un mystĂ©rieux manuscrit chinois Ă la demande de deux personnages menaçants. Le livre, qui se prĂ©sente dâabord comme un conte, sera bientĂŽt le dĂ©clencheur dâĂ©vĂšnements des plus Ă©tranges. Sara Driver, en suivant lâerrance de son hĂ©roĂŻne et ses rencontres tant incroyables que terrifiantes, absorbe les influences â du clair-obscur au surrĂ©alisme en passant par le performance art â et les utilise au service de son propre style vibrant et singulier. Avec Suzanne Fletcher, Ann Magnuson, Dexter Lee AmĂ©ricain, 1h20 1988 / 36 fillette de Catherine Breillat âContre le monde, contre la vieâ aurait pu ĂȘtre lâautre titre de 36 fillette, qui suit Ă la trace son hĂ©roĂŻne, Lili, 14 ans, bloc de colĂšre et de dĂ©goĂ»t, lâenvers dâun dĂ©sir qui la dĂ©borde et frappe dâinanitĂ© tout ce qui lâentoure sa famille, son milieu, ses vacances. Breillat marche sur les traces dâun de ses films fĂ©tiches Baby Doll de Kazan 1956, surnom dâune femme-enfant qui, sous ses airs mutins, cache une bombe de sensualitĂ© dĂ©goupillĂ©e au milieu des hommes. La cinĂ©aste reprend le canevas mais dĂ©cuple lâĂ©rotisme, la transgression, la noirceur. Lili rencontre un quadragĂ©naire play-boy, vulgaire, les huis clos sâenchaĂźnent comme Ă lâintĂ©rieur dâune scĂšne mentale et on ne sait plus vraiment qui est le chat, qui est la souris. Lili dĂ©couvre la voluptĂ© quâil y a Ă dire oui, puis Ă se refuser, hĂ©siter. A mener un homme Ă la baguette en soufflant le chaud et le froid. Grand film aussi sur la malĂ©diction des jeunes filles, obligĂ©es de penser leur sexualitĂ© en termes de puretĂ© et de souillure, alors quâelles veulent seulement prendre leur pied. On ne remerciera jamais assez Breillat dâavoir filmĂ© des personnages qui brĂ»lent dâune passion purement sexuelle, dâavoir reconnectĂ© le dĂ©sir Ă la cĂ©rĂ©bralitĂ©. M. J. Avec Delphine Zentout, Etienne Chicot, Jean-François StĂ©venin Fr., 1 h 26 1988 / Salaam Bombay de Mira Nair RĂ©compensĂ©e par la CamĂ©ra dâOr au Festival de Cannes en 1988, Salaam Bombay suit Krishna, un petit garon de dix ans abandonnĂ© Ă Bombay, devenant Chaipu, porteur de thĂ© dans la rue, afin de rĂ©colter 500 roupies pour rentrer chez lui. Pour son premier long-mĂ©trage Ă la frontiĂšre de la fiction et du documentaire, Mira Nair dĂ©laisse les studios de Bollywood, sâaffranchit des codes traditionnels du cinĂ©ma populaire indien afin de plonger dans lâagitation de Bombay. La cinĂ©aste, diplĂŽmĂ©e en sociologie, parvient Ă passer Ă travers le piĂšge de lâapitoiement en signant un film immersif et mĂ©taphysique oĂč violence et sentiments sâentrechoquent, bref un film qui parle aussi de son temps. Avec Shafiq Syed, Irrfan Khan, Raghubir Yadav Indien, 1h53 1989 / Mon XXe siĂšcle dâIldikĂł Enyedi Mon XXe siĂšcle est un film de la hongroise IldikĂł Enyedi, qui emporta la CamĂ©ra dâOr du premier film en 1989 au festival de Cannes. Câest un rĂ©cit dâune fantaisie sidĂ©rante qui suture la prĂ©sentation de la premiĂšre ampoule Ă©lectrique par Edison le 31 dĂ©cembre 1879 dans le New Jersey, et la naissance le mĂȘme jour Ă Budapest de jumelles, DĂłra et Lili. Devenues orphelines, les petites filles survivent en vendant des allumettes dans les rues, avant quâun mystĂ©rieux kidnapping les sĂ©pare. La nuit du nouvel an 1900, DĂłra et Lili se retrouvent par hasard Ă bord de lâOrient Express. DĂłra, madone des sleepings, un peu pute, un peu voleuse, et Lili, militante fĂ©ministe et anarchiste Qui est du cĂŽtĂ© de la lumiĂšre, qui est du cĂŽtĂ© de lâombre ? IldikĂł Enyedi ne choisit surtout pas, suggĂ©rant que chacune Ă leur fenĂȘtre, les deux hĂ©roĂŻnes hurlent la mĂȘme chose debout les femmes ! Et que la lumiĂšre soit, comme disait Edison⊠Avec Dorota Segda, Oleg Yankovskiy, Paulus Manker Hongrois, 1h42 1990 / Paris Is Burning de Jennie Livingston Certains films ne vieillissent pas. Il arrive mĂȘme que le passage du temps leur offre une chambre dâĂ©cho avec leur prĂ©sent dont les dimensions ne cessent de sâĂ©tendre. Documentaire mythique sur la contre-culture ball new-yorkaise des annĂ©es 1980-90, Paris Is Burning anticipe un terme devenu central dans les luttes contemporaines lâintersectionnalitĂ© terme dâailleurs inventĂ© quasi simultanĂ©ment Ă la sortie du film, en 1989, par KimberlĂ© Crenshaw. Pendant six ans, Jennie Livingston a filmĂ© les concours de voguing et interrogĂ© leurs participants. Ce quâelle cĂ©lĂšbre sans le savoir est une convergence des luttes oĂč se rejoignent en creux critiques de lâhomophobie, de la transphobie, du racisme et problĂ©matiques liĂ©es Ă la lutte des classes, au sida et Ă la prostitution. Mais Paris Is Burning porte aussi en lui le germe dâune tendance qui se popularisera avec les rĂ©seaux sociaux encapsuler sa vie dans une reprĂ©sentation Ă©phĂ©mĂšre de soi qui prend lâapparence de la cĂ©lĂ©britĂ©. Il nây a rien dâĂ©tonnant Ă ce que le film connaisse un hĂ©ritage rĂ©cent avec la sĂ©rie Pose de Ryan Murphy ou Port Authority de Danielle Lessovitz 2019. Paris is still burning. B. D. Avec Brooke Xtravaganza, AndrĂ© Christian, Dorian Corey 1 h 11 1991 / Le Petit Homme de Jodie Foster Pour la plus française des actrices amĂ©ricaines, 1991 est une annĂ©e dĂ©cisive, marquĂ©e dâun cĂŽtĂ© par son rĂŽle lĂ©gendaire dans Le Silence des agneaux, et de lâautre par la sortie de son premier long-mĂ©trage. Portrait dâune femme simple confrontĂ©e Ă la prĂ©cocitĂ© de son jeune fils, Le Petit Homme est un drame bouleversant dans lequel Foster, ĂągĂ©e alors de 29 ans, utilise son propre passĂ© dâenfant star pour Ă©clairer les thĂšmes du don et de la solitude, du lien complexe et ambivalent dâune mĂšre avec son petit garçon. Deux profils fĂ©minins sây affrontent le premier portĂ© par un amour instinctif Foster, face Ă une tutrice jouĂ©e par Dianne Wiest obsĂ©dĂ©e par la performance et lâambition. Ses trois films suivants nâauront pas tout Ă fait la mĂȘme grĂące. E. B. Avec Jodie Foster, Dianne Wiest 1 h 39 1991 / Border Line de DaniĂšle Dubroux Polar psychique idĂ©al, Border Line est lâhistoire dâune idĂ©e fixe. Celle dâHĂ©lĂšne, une femme persuadĂ©e, contre toutes les apparences et toutes les rationalitĂ©s, que Julien, un jeune homme dont elle a trĂšs bien connu le pĂšre, est son fils. Passant de la nĂ©vrose Ă la psychose, le personnage dâHĂ©lĂšne, interprĂ©tĂ© magistralement par DaniĂšle Dubroux en personne, nous embarque dans un drĂŽle de voyage qui navigue dâun rĂ©alisme apparent Ă une maniĂšre de fantastique trĂšs personnel. Dans un style ligne claire, Dubroux projette une Ă©trange lumiĂšre sur le dĂ©sir de maternitĂ© et ses zones dâombre, mais Ă©galement sur les fantasmes incestueux. Border Line est un geste rare, unique, dangereux, lâun de ces films quâon aimerait tellement voir ressurgir surles Ă©crans. T. J. Avec David LĂ©otard, AndrĂ© Dussollier, Jacques Nollot Fr., Sui., 1 h 30 1992 / Nitrate Kisses de Barbara Hammer Dyketactics 1974, Multiple Orgasm 1976, Women I Love 1979⊠Les films de Barbara Hammer â par ailleurs petite fille de lâactrice du cinĂ©ma muet Lilian Gish â dressent une cartographie pionniĂšre du cinĂ©ma lesbien, dont lâapogĂ©e sâest incarnĂ© dans son premier long mĂ©trage, rĂ©alisĂ© aprĂšs prĂšs de vingt ans de carriĂšre. MĂȘlant interviews, images dâarchives et scĂšnes de sexe, lâimportant Nitrate Kisses est lâouverture dâune trilogie consacrĂ©e aux luttes et sexualitĂ©s lesbiennes et gays, du point de vue des plus minorisĂ©es personnes racisĂ©es et ĂągĂ©es notamment. Admiratrice de Maya Deren, activiste infatigable, Hammer a passĂ© sa vie Ă transmettre sa vision des puissances fĂ©minines comme on mettrait en lumiĂšre un continent cachĂ©. Elle est morte lâannĂ©e derniĂšre Ă lâĂąge de 79 ans. O. J. Avec Jerre, Maria, Ruth 1 h 07 1992 / Gas, Food, Lodging dâAllison Anders Focus sur trois femmes vibrantes perdues au fin fond dâun dĂ©sert poussiĂ©reux du Nouveau-Mexique. BasĂ© sur le roman Donât Look and It Wonât Hurt de Richard Peck, le film, sorti en 1992, relate la vie houleuse dâune mĂšre cĂ©libataire et de ses deux adolescentes turbulentes. Si les relations des femmes aux hommes donnent au film ses tournants, le message principal rĂ©side avant tout dans le lien fĂ©minin. Lâune des grandes rĂ©ussites de la cinĂ©aste Allison Anders est quâelle touche Ă toutes les bonnes questions des femmes de la classe ouvriĂšre contemporaine sans jamais ĂȘtre farouchement anti-hommes. Sans jamais effleurer le feuilleton romantique, Anders, toujours avec un style Ă©purĂ© et laconique, Ă©tudie en quelque sorte comment les femmes trouvent leur force intĂ©rieure, pleine de grĂące et dâespoir, afin de guĂ©rir leurs vieilles blessures. Avec Brooke Adams, Ione Skye, Fairuza Balk AmĂ©ricain, 1h41 1993 / La Leçon de piano de Jane Campion Au XIXe siĂšcle, la silhouette corsetĂ©e dâAda dĂ©barque sur une plage de Nouvelle-ZĂ©lande. Sa fille et son piano lâaccompagnent dans sa nouvelle vie dâĂ©pouse contrainte. Ada a perdu sa voix, elle ne communique quâen touchant son piano et en plantant son regard charbonneux dans celui de ceux qui tentent de la dominer. La rencontre avec un homme de lâĂźle va lui redonner son corps. La camĂ©ra synesthĂ©sique de Jane Campion dĂ©borde de sensualitĂ©. Chaque geste dâAda caresse lâĂ©cran de cinĂ©ma, Campion invente un langage amoureux avec une parole qui ne part pas du logos â le discours, la raison, la logique â, mais de la glossa â une langue liĂ©e au corps, Ă la glotte, au corps caverneux de la bouche. Car mĂȘme si lâhĂ©roĂŻne nâĂ©met pas le son de sa voix, son corps, lui, hurle Ă chaque plan son dĂ©sir de libertĂ©. I. B. Avec Holly Hunter, Harvey Keitel Aust., Fr., 2 h 01 1993 / Travolta et Moi de Patricia Mazuy Le feu et la glace, une ado incendiaire qui fout le feu chez ses parents et un jeune homme patineur qui exĂ©cute des saltos avec grĂące, The Clash et Joe Dassin, le punk et la disco, lâembrasement sensuel de la pubertĂ© et le grand gel existentiel du dĂ©sir de mort pour son deuxiĂšme film, Patricia Mazuy imagine un coming-of-age movie tout en oxymores. Les Ă©motions et les formes sâaffrontent dans un teen movie sidĂ©rant dâemportement lyrique. Appartenant Ă une collection dâArte sur lâadolescence, ce chef-dâĆuvre enfiĂ©vrĂ© ne connut quâune diffusion tĂ©lĂ© et aucune sortie en salle ou Ă©dition vidĂ©o en raison dâune bande-son trop chĂšre, gorgĂ©e de tubes des Bee Gees. L. Avec Leslie Azoulay, Thomas Klotz Fr., 1 h 07 1994 / Pas trĂšs catholique de Tonie Marshall Moins cĂ©lĂ©brĂ© que VĂ©nus BeautĂ©, Pas trĂšs catholique est peut-ĂȘtre le film de Tonie Marshall le plus vivant. Portrait dâune femme, Maxime, sorte de Philip Marlowe au fĂ©minin, incarnĂ©e idĂ©alement par AnĂ©mone et sa gouaille lĂ©gendaire qui trouve ici un de ses tout meilleurs emplois, oscillant entre enquĂȘte et introspection, sur fond de tĂ©nĂ©breuses affaires, le deuxiĂšme long-mĂ©trage de Tonie Marshall est avant tout une salutaire cĂ©lĂ©bration de la libertĂ© sexuelle et morale. FĂ©ministe, tendance anar, Pas trĂšs catholique nâoublie jamais la mĂ©lancolie du temps qui passe. Son charme un peu brinquebalant nâen est que plus grand. Avec AnĂ©mone, Michel Roux, Roland Bertin Fr, 1h40 1994 / Petits Arrangements avec les morts de Pascale Ferran Dans le premier long-mĂ©trage de Pascale Ferran trĂŽne fragilement un chĂąteau de sable. Une construction forcĂ©ment Ă©phĂ©mĂšre et toujours Ă reconstruire autour de laquelle tournent un frĂšre et deux sĆurs, plus un enfant, Jumbo. Polyphonique en matiĂšre de rĂ©cits, de personnages mais aussi en termes de mixage des temporalitĂ©s, Petits Arrangements... affirme un tempĂ©rament mĂ©lancolique et cĂ©rĂ©bral, celui dâune cinĂ©aste travaillĂ©e par le deuil, la famille et le cinĂ©ma de Resnais ou de Truffaut tendance La Chambre verte. Le regard fĂ©minin nây est jamais vraiment frontal, plutĂŽt oblique et souterrain, comme tous les courants et tous les dĂ©sirs qui traversent ce film marquant qui gagna, Ă juste titre, la CamĂ©ra dâor en 1994. T. J. Avec Charles Berling, Catherine Ferran, Didier Sandre Fr., 1 h 48 1996 / Clueless dâAmy Heckerling EmblĂšme de la dĂ©cennie en termes de teen movies, Clueless sâaffirme un peu comme une réécriture logique du roman littĂ©raire Emma de Jane Austen. Avant mĂȘme de rĂ©aliser un film pour adolescentes, Amy Heckerling interroge la pression sociale et hiĂ©rarchique de sa propre hĂ©roĂŻne, Cher, interprĂ©tĂ©e par Alicia Silverstone. Sans jamais tomber dans la mĂ©chancetĂ©, le cynisme, ou lâidiotie, la rĂ©alisatrice crĂ©er un personnage, certes princesse, mais emplis de puissance et de responsabilitĂ©. Avec un regard tendre portĂ© sur lâadolescence, Clueless sâinscrit dans les classiques du genre, et de lâempowerment fĂ©minin dâune certaine maniĂšre. Avec Paul Rudd, Donald Faison, Alicia Silverstone AmĂ©ricain, 1h38 1998 / Os Muntantes de Teresa Villaverde Au fin fond dâune ville portugaise, trois jeunes adolescents en proie Ă la misĂšre, Ă la drogue et Ă la prostitution, vivent dans la rue tels des survivants. SĂ©lectionnĂ© Ă Un Certain Regard en 1998 au Festival de Cannes, le film livre un essai poĂ©tique et philosophique. GrĂące Ă ses recherches documentĂ©es sur les jeunes enfermĂ©s dans des centres de rĂ©insertion sociale au Portugal, la cinĂ©aste image ce quâelle appelle âmutantsâ, des ĂȘtres exceptionnels qui ne se rĂ©signent jamais. Dans les annĂ©es 1990, alors que de nombreux rĂ©alisateurs tels que Pedro Costa ouvrent de nouvelles perspectives, Teresa Villaverde sâimpose comme lâune des nouvelles voix fĂ©minines du cinĂ©ma portugais. Avec Ana Moreira, Alexandre Pinto, Nelson Varela Portugais, 1h54 1999 / Virgin Suicides de Sofia Coppola On peut distinguer deux catĂ©gories de premiers films. Ceux qui, dans un geste de dĂ©fĂ©rence cinĂ©phile, construisent des mondes nouveaux mais restent immanquablement hantĂ©s par un hĂ©ritage. Et ceux qui, pour exister, nâont dâautres choix que de le tuer. Virgin Suicides, premier long mĂ©trage de Sofia Coppola adaptĂ© du roman de Jeffrey Eugenides, se situe Ă la jointure de ces deux champs. Câest un film kamikaze, qui convoque un genre dĂ©fini le teen movie pour mieux le tordre de lâintĂ©rieur. Nous voici au cĆur dâune banlieue bourgeoise amĂ©ricaine, au dĂ©but des annĂ©es 1970. DĂšs son ouverture, le film rompt avec la candeur de son dĂ©cor chic et sophistiquĂ© Ă outrance lâĂ©quivalent dâun bain moussant et parfumĂ©. La tragĂ©die est rĂ©vĂ©lĂ©e câest ici que les sĆurs Lisbon se sont donnĂ© la mort. La suite est un compte Ă rebours funĂšbre, obsĂ©dĂ© par une Ă©nigme que des garçons, des annĂ©es aprĂšs le drame, tentent de rĂ©soudre. Si le mystĂšre demeure, immense, câest que dans ce monde puritain, le mal qui asphyxie les filles est si commun quâil en demeure invisible. Chronique adolescente, Ă©lĂ©gie aĂ©rienne, Virgin Suicides a aussi valeur de manifeste fĂ©ministe seul le sacrifice sauvera ces hĂ©roĂŻnes des griffes du patriarcat. M. D. Avec Kirsten Dunst, Josh Hartnett, James Woods, Kathleen Turner 1 h 37 1999 / La vie ne me fait pas peur de NoĂ©mie Lvovsky Réécriture pour le cinĂ©ma du magistral Petites que NoĂ©mie Lvovsky avait rĂ©alisĂ© pour Arte, La vie ne me fait pas peur est un grand film sur lâadolescence, cet Ăąge des possibles qui bute sur lâimpossible. En suivant une bande de quatre jeunes filles aux destins croisĂ©s et bientĂŽt divergents, NoĂ©mie Lvovsky se remĂ©more Ă©videmment sa propre adolescence au cĆur des annĂ©es 1970 sur un mode pop et remuant. BordĂ©lique et excessif, le film dĂ©borde de partout, et câest trĂšs bien comme ça. Parfois, les larmes et la rage se mĂ©langent au point que le film pourrait parfois changer de titre et sâappeler A lâombre des jeunes filles en pleurs. Mais, au final, câest lâĂ©nergie et la couleur qui triomphent. T. J. Avec Julie-Marie Parmentier, Magali Woch Fr., Sui., 1 h 51 1999 / Boys Donât Cry de Kimberly Peirce Pour beaucoup de femmes et dâhommes trans, Boys Donât Cry correspond Ă la premiĂšre fois oĂč ilelles se sont vues sur un Ă©cran. Pour dâautres, le film de Kimberly Peirce a rĂ©volutionnĂ© leur regard en mettant en scĂšne le concept dâidentitĂ© transgenre chez des adolescents. InterprĂ©tĂ© par Hilary Swank jeune rĂ©compensĂ©e par lâOscar de la meilleure actrice cinq ans avant son second triomphe, en 2005, dans Million Dollar Baby, que lâon dĂ©couvre transfigurĂ©e en sublime tomboy amoureux de ChloĂ« Sevigny, ce mĂ©lo baroque imbibĂ© de culture nineties a marquĂ© la culture LGBT + sans jouir dâune aura Ă sa hauteur dans lâhistoire rĂ©cente du cinĂ©ma amĂ©ricain. E. B. Avec Hilary Swank, ChloĂ« Sevigny 1 h 58 1999 / Beau Travail de Claire Denis Depuis son premier film, Chocolat, Claire Denis est liĂ©e Ă lâAfrique, autant continent que territoire de son imaginaire. En 2009, elle y revient, Ă Djibouti, oĂč sâactivent quelques soldats de la LĂ©gion. Ce pourrait ĂȘtre le dĂ©but dâun honorable porno gay. Câest lâouverture dâune tragĂ©die antique dâune part, un ex-adjudant-chef Denis Lavant, hĂ©ros dĂ©chu exilĂ© Ă Marseille, dâautre part, un chĆur dâhommes qui commente sa chute et conspire Ă lâaugmenter. Le point de vue, vivement en trans, nâest pas celui dâune femme regardant des hommes, mais celui dâun exclu, hyper-spectateur dâun Eden-CinĂ©ma oĂč rien nâapparaĂźt des trouffionneries, mais oĂč tout transpire de rituels Ă©tranges, presque abstraits, chorĂ©graphiĂ©s souvent, torturĂ©s parfois. Comme toujours chez Claire Denis, le visage de la violence est celui dâun doux ange, fatalement exterminateur. Beau Travail est Ă©crit sur le vent du dĂ©sert, comme Melville lançait son Billy Budd au fil des ocĂ©ans. BeautĂ© fragile et jeunesse Ă©phĂ©mĂšre comme jumeaux dâune mĂȘme utopie le cinĂ©ma pour toujours. Beau Travail est un beau film. G. L. Avec Denis Lavant, GrĂ©goire Colin Fr., 1 h 30 1999 / Vorace de Antonia Bird Ćuvre inclassable du fait dâun vrai mĂ©lange des genres, Vorace sort dans lâindiffĂ©rence gĂ©nĂ©rale en France, fait un flop au box-office amĂ©ricain, mais nâen reste pas moins un grand film, basĂ© sur le fait divers de la tragĂ©die du passage de Donner durant lâhiver 1847, qui gagne Ă ĂȘtre connu. MalgrĂ© un tournage difficile Antonia Bird nâĂ©tait pas le premier choix Ă la rĂ©alisation, notamment, le film se dĂ©marque par son humour noir et sa bande originale Ă la fois dĂ©calĂ©e et obsĂ©dante, que lâon doit Ă Michael Nyman et Damon Albarn. Avec Guy Pearce, Robert Carlyle, Jeremy Davies AmĂ©ricain, 1h41 2000 / Scarlet Diva de Asia Argento Pour sa premiĂšre rĂ©alisation, Asia Argento raconte lâhistoire dâAnna, une actrice qui tente de passer Ă la mise en scĂšne et qui de Rome Ă Los Angeles croise tout ce que le show-buisness compte de rock-stars perchĂ©es, de freaks en tous genres et de producteurs priapiques suivez mon regard. Asia est donc Anna, et Anna est une sorte dâAlice carollienne arpentant un nightmare hallucinĂ©, oĂč la jeune femme semble se rĂ©approprier la figure de vierge sadisĂ©e que son pĂšre Dario avait modelĂ©e pour elle. De Charybde en Sylla, de sado en maso, de gore en trash, Asia/Anna Argento ne calme sa transe que le temps dâun sublime face Ă face avec son reflet dans une glace sur Wild is the wind de Nina Simone aussi puissante que le rasage ensanglantĂ© du Big Shave de Scorsese. Asia se fait les aisselles mĂ©ticuleusement, se prĂ©pare, se maquille, et lorsque lâimage ressemble Ă ce quâattendent dâelle les autres, elle dĂ©fait lâensemble dâun revers de main, Ă©crase le rouge Ă lĂšvres, fait couler le mascara sous les larmes. Entre narcissisme et haine de soi, figuration et dĂ©figuration, autoparodie et autocombustion, le film est un feu de bengale, divin et Ă©carlate. Avec Asia Argento, Jean Shepard, Vera Gemma Italie, 1h31 2000 / Baise-moi de Virginie Despentes et Caroline Trin Thi Baise-moi câest beaucoup de choses. Câest dâabord lâadaptation du premier livre de Virginie Despentes, par elle-mĂȘme et Caroline Trin Thi, hardeuse chevronnĂ©e. Ensuite câest le film qui a dĂ©clenchĂ© une polĂ©mique et une censure rarement vue en France ; interdit aux -16, retirĂ© des salles deux jours aprĂšs sa sortie car classĂ© X, il ressort finalement en salle avec une nouvelle classification interdit aux -18 » spĂ©cialement créée pour le film. Entre les deux, câest un Telma et Louise porno et gore, qui, sâil a certes mal vieilli la laideur de lâimage des premiĂšres camĂ©ras numĂ©riques et la bande-son oĂč figure des groupes comme Le Peuple de lâherbe, abrite encore un esprit punk, provocateur et un dĂ©sir de jouir en se foutant des rĂšgles social et de la morale. B. D. Avec RaffaĂ«la Anderson, Karen Bach, Patrick Eudeline Fr, 1h15 2000 / Les glaneurs et la glaneuse dâAgnĂšs Varda AgnĂšs Varda, cinĂ©aste de la proximitĂ© et de la libertĂ©, glaneuse dâimages du titre de ce documentaire, suit Ă lâaide dâune petite camĂ©ra numĂ©rique des glaneurs urbains et ruraux qui ramassent les restes dont les autres ne veulent pas, par nĂ©cessitĂ© mais aussi par choix. On croise ainsi la route dâun riche viticulteur, dâun RMIste, dâun grand chef et de sans-abris. Sorte de road-movie Ă pied, en voiture et en train, le mouvement de ce âdocumentaire-routardâ est Ă la fois gĂ©ographique, historique, social, juridique et esthĂ©tique. 2001 / La CiĂ©naga de Lucrecia Martel Dans lâambiance tropicale des alentours dâune piscine, quelques adultes au bord de lâivresse sâenlisent sous les yeux dâune enfant. Premier long-mĂ©trage de lâArgentine Lucrecia Martel, La CiĂ©naga qui signifie âmarĂ©cageâ en espagnol est un festival de sensations troubles, dâodeurs dĂ©liquescentes, de sons assourdis et moites, de couleurs saturĂ©es. Plus quâun rĂ©cit autobiographique, La CiĂ©naga prend la forme dâune collection dâambiances menaçantes qui aborde, au passage, la condition des femmes Ă travers lâaliĂ©nation dâune mĂšre déçue par la vie mais incapable de sâĂ©chapper dâune famille toxique. Un grand premier film sans aucun doute. T. J. Avec Mercedes MorĂĄn, Graciela Borges Arg., Fr., Esp. Jap., 1 h 43 2001 / Trouble every day de Claire Denis Le cinĂ©ma punk, trans et physique de Claire Denis a cela de particulier quâil pousse sur les zones frontaliĂšres, quâil aime sâaventurer en terre incertaine et ne jamais se fixer lĂ oĂč on lâattend. La rĂ©alisatrice flirte avec les limites entre lâhumain le dĂ©sir sexuel et lâinhumain la perversion ; oĂč ce qui est jugĂ© comme telle par les protagonistes en faisant du corps son motif de prĂ©dilection. Câest Les Salauds, High Life, Beau Travail, Jâai pas sommeil et bien sĂ»r Trouble Every Day. Vincent Gallo et Beatrice Dalle y incarnent des personnages partageant une mĂȘme confusion sexuelle entre soif dâamour et de sang ; ils aiment la chair autant quâils sâen nourrissent. Cela donne un chef-dâĆuvre dâhorreur gore, servi par la photographie sublime dâAgnĂšs Godard et la bande-son des Tindersticks, un film sensoriel, un conte de vampire moderne oĂč se mĂȘlent prĂ©dation et consentement sexuelles. Avec Tricia Vessey, BĂ©atrice Dalle, Alex Descas Fr, 1h40 2001 / A ma sĆur de Catherine Breillat Possiblement autobiographique et vraiment fantasmatique, A ma sĆur est un prĂ©cipitĂ© du cinĂ©ma de Catherine Breillat. Dâune cruditĂ© souvent au scalpel, le film de Breillat radiographie dâabord, avec gĂ©nie, les pulsions dâune jeune fille, obsĂ©dĂ©e par son dĂ©pucelage mais qui se trouve bien plus laide que sa sĆur, un canon. Longtemps naturaliste, A ma sĆur bascule finalement dans la folie dâun Ă©pilogue sidĂ©rant qui met Ă jour le dĂ©sir sexuel au fĂ©minin sur son versant le plus dĂ©rangeant. Conte cruel de la jeunesse, pas consensuel pour un sou, A ma sĆur est un film vraiment troublant. HĂ©rĂ©tique avant tout, y compris pour les fĂ©ministes les plus radicales ! Avec AnaĂŻs Reboux, Roxane Mesquida, Libero De Rienzo Fr, 1h33 2003 / Monster de Patty Jenkins Aileen vit de son activitĂ© de prostituĂ©e et sillonne, canette de biĂšre Ă la main, les routes sans Ăąme dâune banlieue amĂ©ricaine. Elle rencontre Selby, une jeune lesbienne dont elle tombe rapidement amoureuse, ce qui la poussera Ă changer de vie. Charlize Theron, au-delĂ dâĂȘtre mĂ©connaissable elle prend 15 kilos et porte des prothĂšses sur le visage pour cette interprĂ©tation est surtout magistrale dans ce premier grand rĂŽle qui constituera son acte de naissance en tant quâactrice et dont la performance lui vaudra un Oscar. Avec Charlize Theron, Christina Ricci, Bruce Dern AmĂ©ricain, 1h51 2003 / An Angel at My Table de Jane Campion Pour son deuxiĂšme long-mĂ©trage, Jane Campion livre un des films les plus marquants des annĂ©es 90. An Angel at My Table relate lâenfance de lâĂ©crivaine nĂ©o-zĂ©landaise Janet Frame marquĂ©e par le deuil, la dĂ©pression et lâexclusion. Au bord du gouffre et en lutte contre ses propres dĂ©mons, la romanciĂšre brave les conventions en trouvant refuge dans la poĂ©sie. Si cet exercice immersif traite de la folie, le film rend Ă©galement hommage Ă lâanticonformisme et Ă la solitude de lâartiste. Au travers dâune Ă©criture et dâune esthĂ©tique fĂ©minine, Jane Campion, parle du combat complexe des femmes Ă exister dans une sociĂ©tĂ© qui les excluent. Avec Kerry Fox, Alexia Keogh, Karen Fergusson NĂ©o-zĂ©landais, 2h38 2003 / Il est plus facile pour un chameau de Valeria Bruni Tedeschi âIl est plus facile pour un chameau de passer par le chas dâune aiguille que pour un riche dâentrer au royaume des cieuxâ. Si le titre est tirĂ© dâun passage de la Bible, son film est lui surtout inspirĂ© de sa vie. Federica, interprĂ©tĂ©e par elle-mĂȘme, est une femme, la trentaine, fille dâimmigrĂ©s italiens prise de culpabilitĂ© du fait dâĂȘtre immensĂ©ment riche. AccablĂ©e par son hĂ©ritage, elle va se rĂ©fugier dans son imaginaire. Dans son premier long-mĂ©trage en tant que rĂ©alisatrice, Valeria Bruni Tedeschi expose non seulement sa personnalitĂ© rĂȘveuse, mais parle aussi du dĂ©sir dâaffranchissement. Avec Valeria Bruni Tedeschi, Chiara Mastroianni, Jean-Hugues Anglade Fr, 1h50 2003 / Shara de Naomi Kawase On connaĂźt lâhistoire un enfant disparaĂźt et sa figure absente ruine la vie dâune famille bien des annĂ©es aprĂšs. De ces mĂ©los fantomatiques on en a mangĂ© mille et cent. Alors pourquoi ce sentiment, face Ă Shara, de nâavoir jamais vu ça ? Câest que la rĂ©alisatrice Naomi Kawase amĂšne avec elle sur ses plateaux quelques tours spĂ©cifiques. Par exemple celui-ci engager un camĂ©raman travaillant dâordinaire dans le champ du documentaire et ne pas lui donner de script pour quâil filme chaque scĂšne avec les tremblements du direct. Ainsi, trouver un regard inĂ©dit sur des personnages ne passe pas nĂ©cessairement comme on pourrait le croire par lâinvention dâune maĂźtrise nouvelle mais aussi par des ruses imprĂ©vues pour troubler/Ă©garer les maĂźtrises anciennes. La beautĂ© du rĂ©sultat dans Shara est terrassante. Toutes les pĂ©ripĂ©ties de la fiction surgissent Ă lâĂ©cran comme des Ă©vĂ©nements. A lâinstar du grand orage dâĂ©tĂ© qui vient bouleverser dâun coup la parade finale. Avis aux chercheurs dâor qui nâa pas vu la pluie tomber chez Kawase ne sait pas ce quâest la joie. P. B. Avec Kohei Fukungaga, Yuka Hyyoudo Jap., 1 h 40 2004 / Mystification ou lâhistoire des portraits de Sandrine Rinaldi Mystification est une adaptation dâun rĂ©cit de Diderot, transposĂ© de nos jours. Pour son premier moyen-mĂ©trage il y en aura un second trois ans plus tard, Cap Nord, Sandrine Rinaldi Ă©galement critique de cinĂ©ma sous le pseudo de Camille Nevers retient de Diderot le goĂ»t des cruelles machinations, des collusions secrĂštes, de lâalliance opaque entre les rĂšgles sociales et les raffinements du libertinage, mais plus encore la langue du texte original, quâil sâamuse Ă chahuter. Que la machination prenne satisfait peut-ĂȘtre davantage le dĂ©sir informulĂ© de celle quâon mystifie que ceux qui croient la manipuler. Qui dĂ©sire quoi ? Qui aime encore ? Et qui met en scĂšne ce sac de nĆuds, dâincertitudes et de regrets informulĂ©s ? VoilĂ lâimbroglio que le film emmĂȘle avec un humour distant et une grande inspiration visuelle. Avec Camille Cayol, Laurent Lacotte Fr., 59 min 2005 / Marseille dâAngela Schanelec Sophie, une jeune photographe allemande, Ă©change son appartement avec une Ă©tudiante habitant Ă Marseille. Elle rencontre Pierre, un mĂ©canicien, avec qui elle flirte puis, une fois rentrĂ©e Ă Berlin, retrouve les choses comme elle les a laissĂ©es â notamment son amour pour le mari de sa meilleure amie Hanna. Avec ce film, un des reprĂ©sentants du nouveau cinĂ©ma allemand des annĂ©es 2000, aux antipodes de la théùtralitĂ© expressionniste qui a fondĂ© le cinĂ©ma allemand notamment grĂące Ă la modernitĂ© de la mise en scĂšne et du rĂ©cit, Angela Schanelec signe une Ćuvre tiraillĂ©e entre lâespoir et un Ă©ternel retour Ă la case dĂ©part, avec la solitude de son personnage principal en toile de fond. Avec Maren Eggert, Emily Atef, Alexis Loret Allemand, 1h35 2005 / Innocence de Lucile Hadzihalilovic AdaptĂ© dâune nouvelle allemande de Frank Wedekind, Lucile Hadzihalilovic livre un premier film des plus singuliers du cinĂ©ma français contemporain. Dans une forĂȘt coupĂ©e du monde, lâarrivĂ©e dâune nouvelle fille dans un Ă©trange pensionnat pour fillettes va bousculer leur quotidien. Lâintrigue nĂ©buleuse Ă©troitement inspirĂ©e du Suspiria de Dario Argento et de Pique-nique Ă Hanging Rock de Peter Weir, dessine, Ă travers mutations et Ă©veil, le passage de lâenfance Ă lâadolescence. LĂ oĂč rĂ©side tout lâĂ©quilibre du film est que le regard fĂ©minin derriĂšre la camĂ©ra, capte lâinnocence comme la sexualitĂ©, sans jamais crĂ©er quelconque malaise, quâun Ćil masculin incompris aurait pu avoir. Hadzihalilovic met en scĂšne un rĂ©cit sombre et candide Ă la fois, miroir de la complexitĂ© que dâĂȘtre une jeune fille. Avec ZoĂ© Auclair, Lea Bridarolli, BĂ©rangĂšre Haubruge Fr, 1h55 2006 / Lady Chatterley de Pascale Ferran Constance Chatterley, jeune femme de la haute bourgeoisie anglaise, est enfermĂ©e dans son mariage avec les responsabilitĂ©s et devoirs que cela implique. Lorsquâelle rencontre Parkin, le garde-chasse du domaine, câest le dĂ©but dâun difficile apprivoisement, un Ă©veil Ă la sensualitĂ© pour la lady et un long retour Ă la vie pour lâamant. Entre orfĂšvrerie du dĂ©coupage, majestĂ© des durĂ©es et incandescence des Ă©motions, ce film fiĂ©vreux est une petite merveille de sensibilitĂ©, dâintelligence de cinĂ©ma, dâune puissance dâexpression dâautant plus forte et admirable quâelle nâa lâair de rien. Avec Marina Hands, Jean-Louis Coullocâh, Hippolyte Girardot Fr, Belge, 2h38 2007 / Tout est pardonnĂ© de Mia Hansen-LĂžve Le ressentiment, son dĂ©passement, ou mĂȘme lâabsence totale de sa formation sont forcĂ©ment au cĆur dâun film intitulĂ© Tout est pardonnĂ©. Mais que couvre ce âtoutâ, qui est pardonnĂ©, dans le premier long-mĂ©trage de la jeune Mia Hansen-LĂžve ? Dans la premiĂšre partie, une famille est dĂ©sagrĂ©gĂ©e par la toxicomanie dâun pĂšre dĂ©faillant. Dans la deuxiĂšme, la petite fille du dĂ©but retrouve Ă 17 ans ce pĂšre et ne ressent contre lui aucune animositĂ©. DâoĂč vient pareille sĂ©rĂ©nitĂ© ? Câest tout le mystĂšre du film. Etrangement ici, le malheur accumulĂ© dans la premiĂšre partie flotte et ne pĂšse pas sur la seconde. Entre les deux temps du film, les liens de causalitĂ© sont lĂąches, estompĂ©s, prennent des chemins vicinaux, presque invisibles. A 26 ans, Mia Hansen-LĂžve trouvait du premier coup, et dans toute sa plĂ©nitude, la formule magique de son cinĂ©ma, mixte de luciditĂ© et de douceur, de proximitĂ© sensible et de dĂ©tachement clairvoyant. L. Avec Paul Blain, Constance Rousseau Fr., 1 h 45 2007 / Persepolis de Marjane Satrapi EncensĂ©e par la presse mondiale, lâĆuvre autobiographique publiĂ©e dans les annĂ©es 2000 a fait de Satrapi lâune des autrices francophones les plus reconnues. Suite Ă son adaptation Ă©ponyme sur grand Ă©cran, Marjane Satrapi, dont le style graphique et narratif personnel avait dĂ©jĂ su retenir lâattention, obtient le Prix du Jury du Festival de Cannes. PersĂ©polis raconte lâhistoire rĂ©cente de lâIran Ă travers les yeux de Marjane, en passant de son enfance Ă TĂ©hĂ©ran durant la rĂ©volution islamique Ă son intĂ©gration dans la vie europĂ©enne. A base de rĂ©gime dictatorial et de rĂ©pression, Satrapi arrive Ă signer une Ćuvre singuliĂšre, universelle et humaniste. Avec les voix de Sean Penn, Iggy Pop, Gena Rowlands Fr, 1h35 2008 / Twilight â Chapitre 1, fascination de Catherine Hardwicke Lâexploit de Twilight, la saga de best-sellers de Stephenie Meyer, tenait Ă sa fĂ©minisation des codes de la littĂ©rature horrifique pour ados. Lâadaptation que signe Catherine Hardwicke rĂ©alisatrice dâun film indĂ© remarquĂ©, Thirteen, dĂ©jĂ sur lâadolescence Ă©claire au passage de ses rayons inversĂ©s un secret ultime du genre que nous rĂ©vĂšle du dĂ©sir fĂ©minin cette attirance orgueilleuse et obstinĂ©e pour une crĂ©ature qui ne rĂȘve que dâune chose, tuer la femme qui lâaime ? Le film devient dĂšs lors le rĂ©cit dialectique de la rencontre plus que du conflit entre deux dĂ©sirs, celui dâune jeune fille qui exige de lâhomme quâelle aime quâil la tue, et celui dâun vampire contraint, par amour, à ⊠devenir vĂ©gĂ©tarien. Mais Ă dĂ©sirer un lion pacifique, ou un vampire vĂ©gĂ©tarien, la jeune hĂ©roĂŻne de Twilight risque une fin plus hitchcockienne Soupçons que breillatienne Une vraie jeune fille lâabstinence. H. F. Avec Kristen Stewart, Robert Pattinson 2 h 02* 2009 / Bliss de Drew Barrymore Lorsquâune actrice quâon suit depuis longtemps fait son premier film, on se demande toujours sâil ressemblera Ă ce quâon connaĂźt dâelle. Soit la petite fille dâE. T. Spielberg, la productrice audacieuse de Donnie Darko Richard Kelly, lâactrice qui essaie dâadapter son physique de rondouillarde aux canons hollywoodiens. Ici, Drew Barrymore choisit une forme de repli joyeux en tablant sur un mixte dâintrigue adolescente classique et dâesprit rebelle un peu carrĂ© une jeune fille veut Ă©chapper Ă un destin conventionnel, auquel elle offre une dimension foutraque inattendue la passion pour le sport. Si le cinĂ©ma amĂ©ricain a su trouver des exutoires physiques aux adolescents le skate, la danse, le surf, il nây avait pas grand-chose jusquâici pour leurs alter ego fĂ©minins. Drew Barrymore leur offre le roller derby, compĂ©titions de roller sur piste oĂč il sâagit de gagner des points en dĂ©passant ses adversaires, voire en les Ă©jectant. Vitesse, agressivitĂ©, jolies tenues paillettes et shorts, musique Ă fond, public surexcitĂ©, coups et blessures assurĂ©s une forme de gloire tapageuse est lĂ , composant la meilleure partie du film. Avec Ellen Page et Drew Barrymore AmĂ©ricain, 2h 2010 / Winterâs Bone de Debra Granik Ce second film de Debra Granik se dĂ©marque par sa sĂ©cheresse, sa tĂ©nuitĂ© psychologique et son refus de cĂ©der aux sirĂšnes misĂ©rabilistes. Il sâaccroche dĂšs les premiers plans aux boots de son hĂ©roĂŻne, la taciturne et obstinĂ©e Ree exceptionnelle Jennifer Lawrence, rĂ©vĂ©lĂ©e par ce rĂŽle, quâil ne lĂąchera plus jusquâĂ la fin. Vendu comme un film social Ă lâeuropĂ©enne on pense certes Ă Ken Loach, Winterâs Bone a tous les traits du western, genre essentiellement amĂ©ricain, abstrait, mythologique. A lâinstar de Kelly Reichardt, Debra Granik utilise la crise morale, Ă©conomique comme pur moteur fictionnel, davantage soucieuse dâen montrer les effets concrets que dâen dĂ©noncer les causes. Point de rĂ©el mĂ©chant ici mais une attention constante Ă lâinextinguible flux vital des hommes et des femmes lorsquâun vieux cow-boy rouillĂ© se saisit dâun banjo, par exemple, quâun soldat explique longuement, presque en chuchotant, Ă Ree pourquoi ce nâest pas une bonne idĂ©e pour elle de sâengager dans lâarmĂ©e, ou quâun enfant se met Ă faire du trampoline, en apesanteur. Avec Jennifer Lawrence, John Hawkes, Kevin Breznahan AmĂ©ricain, 1h40 2010 / La DerniĂšre Piste de Kelly Reichardt La DerniĂšre Piste ne renvoie pas Ă une fin mais bien Ă un dĂ©but, câest un rĂ©cit des origines que réécrit Kelly Reichardt. Dans quatriĂšme film, elle offre Ă la conquĂȘte de lâouest une nouvelle mythologie, du point de vue des femmes notamment Ă travers les yeux du personnage incarnĂ© par une extraordinaire Michelle Williams, actrice fĂ©tiche de Kelly Reichardt et des natifs, plutĂŽt que de celui du mĂąle blanc. Câest sans-doute son film le plus sĂ©duisant plastiquement, on y retrouve cette façon de traiter le paysage comme un territoire abstrait et immense, dont lâĂ©crasante horizontalitĂ© Ă©crase la petite verticalitĂ© humaine. Dans ce film de silence, de poussiĂšre et de ciel voilĂ©, lâessentiel est dans les dĂ©tails, comme toujours dans lâĆuvre de la cinĂ©aste amĂ©ricaine, qui fait plus que jamais preuve dans ce film dâun art contemplatif, brute et minimaliste tout droit hĂ©ritĂ© de Robert Bresson. Avec Michelle Williams, Paul Dano, Bruce Greenwood AmĂ©ricain, 1h44 2011 / Tomboy de CĂ©line Sciamma Dans les premiĂšres scĂšnes de Tomboy, le spectateur voit un petit garçon lĂ oĂč tous les autres personnages ses parents, sa petite sĆur voient une petite fille. Dans la suite du rĂ©cit, il voit une petite fille lĂ oĂč tous les autres croient jouer et chahuter avec un petit garçon. Tendu, intrigant, Tomboy utilise toutes les recettes du film Ă suspense. Mais CĂ©line Sciamma est particuliĂšrement habile pour manier une dramaturgie trĂšs construite, tout en masquant la charpente. Les situations sont intenses, mais câest la description en profondeur des personnages, lâĂ©tude de caractĂšre, qui a le dernier mot. Comme si la cinĂ©aste transposait une certaine efficacitĂ© de storytelling amĂ©ricaine dans le vocabulaire du cinĂ©ma dâauteur français, puisait dans la boĂźte Ă outils dâAaron Sorkin A la Maison Blanche, The Social Network pour raconter un film de Jacques Doillon. Le film dĂ©crit avec une acuitĂ© rare lâĂ©boulement du monde dans les yeux de ceux qui nâont vu que ce quâils voulaient voir, nâont pas vu ce quâil fallait voir. Cette perturbation, CĂ©line Sciamma la filme avec une touche lĂ©gĂšre, estompant la gravitĂ© par lâhumour, sans esquiver la violence de certaines situations. Et elle joint sans forcer la puissance Ă la finesse. Avec ZoĂ© HĂ©ran, Malonn LĂ©vana, Jeanne Disson Fr, 1h22 2011 / La guerre est dĂ©clarĂ©e de ValĂ©rie Donzelli âSi tu veux ĂȘtre actrice, Ă©cris tes propres films.â Câest encouragĂ© par JĂ©rĂ©mie ElkaĂŻm, compagnon et collaborateur, que ValĂ©rie Donzelli se lance dans la rĂ©alisation. La cinĂ©aste et comĂ©dienne devient la reine de ses propres fictions derriĂšre et devant la camĂ©ra. Ses rĂ©cits racontent, avec une trivialitĂ© joueuse qui donne Ă son Ćuvre cette vibration si singuliĂšre, la maternitĂ© et le couple. En 2010, ce cinĂ©ma autobiographique et irrĂ©sistiblement foutraque rencontre un succĂšs retentissant avec La guerre est dĂ©clarĂ©e, vĂ©ritable histoire de son enfant malade. Le film, lĂ©ger et enragĂ©, est une dĂ©flagration Ă©motionnelle. Donzelli affine son style et affirme son geste de cinĂ©aste faire du cinĂ©ma pour mieux vivre. M. D. Avec ValĂ©rie Donzelli, JĂ©rĂ©mie ElkaĂŻm Fr., 1 h 40 2012 / Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow Au moment oĂč Kathryn Bigelow rĂ©alise Zero Dark Thirty, elle vient de marquer lâhistoire en devenant la premiĂšre femme et toujours la seule Ă ce jour Ă dĂ©crocher lâOscar de la meilleure rĂ©alisation pour DĂ©mineurs 2010, devant son ex-mari James Cameron et Quentin Tarantino. Son statut au sommet du cinĂ©ma hollywoodien, oĂč elle mĂȘle action et film de guerre, se confirme avec le film suivant, Zero Dark Thirty, prĂ©cis et haletant sur la traque dâOussama Ben Laden. Du splendide raid final presque entiĂšrement dans le noir Ă lâincroyable assurance du personnage dâanalyste de la CIA le meilleur rĂŽle de Jessica Chastain, en passant par la description inspirĂ©e du milieu militaire et des hommes entre eux, le talent de Bigelow explose Ă chaque plan. Aujourdâhui ĂągĂ©e de 68 ans, la rĂ©alisatrice du culte Point Break 1991 a perdu de son aura Ă la suite de lâĂ©chec commercial du trĂšs controversĂ© Detroit 2017, consacrĂ© Ă des Ă©meutes raciales. Mais il serait temps de replonger dans une filmographie qui compte dix longs-mĂ©trages capables de revisiter le mythe du vampire Aux frontiĂšres de lâaube, 1987, de sonder les images contemporaines violentes Strange Days, 1995 ou de retourner sur ses bases le thriller policier Blue Steel, 1990âŠLe parcours de Bigelow est plus transversal et surprenant quâun regard de surface pourrait le laisser croire. Sa premiĂšre ambition Ă©tait de devenir peintre. Elle a commencĂ© Ă rĂ©aliser des films commerciaux aprĂšs une longue pĂ©riode dans lâart contemporain des annĂ©es 1970, travaillant avec Richard Serra et Lawrence Weiner, figure de lâart conceptuel, ainsi que lâintellectuel français SylvĂšre Lotringer, fondateur de la revue Semiotexte et futur âhĂ©rosâ du manifeste fĂ©ministe I Love Dick de Chris Kraus. InspirĂ©e par la cinĂ©philie moderne elle a Ă©voquĂ© sa passion pour âla matrice Fassbinder/Douglas Sirkâ, Kathryn Bigelow a finalement atterri Ă Hollywood par accident. Alors quâelle avait Ă©tĂ© envisagĂ©e pour rĂ©aliser Wonder Woman, aucun futur projet nâest aujourdâhui annoncĂ©. O. J. Avec Jessica Chastain, Joel Edgerton, Chris Pratt 2 h 37 2012 / Cloud Atlas de Lana et Lily Wachowski De lâAmĂ©rique esclavagiste du XXe siĂšcle au SĂ©oul du futur, Ă travers une demi-douzaine de rĂ©cits prĂ©levĂ©s Ă des Ă©poques diverses, les sĆurs Wachowski au moment du tournage, Lily Ă©tait nĂ©anmoins encore Andy brassent une odyssĂ©e Ă©bouriffante de lâĂ©mancipation. Les mĂȘmes acteurs interprĂštent une variĂ©tĂ© de personnages, tous Ăąges, espĂšces, genres confondus, dans une enivrante valse transformiste. On retrouve lĂ lâobsession des Wachowski pour un cinĂ©ma mouvant, en phase avec son Ă©poque, dont il vampirise les innovations, qui les a menĂ©es de lâĂšre du tout-numĂ©rique Matrix et Speed Racer Ă celle des sĂ©ries et de leur Ă©criture prolifĂ©rante. Un grand film mutant. R. B. Avec Tom Hanks, Halle Berry, Ben Whishaw 3 h 12 2012 / LâĂąge atomique dâHĂ©lena Klotz LâĂge atomique est le premier long-mĂ©trage, fragile et trĂšs beau, dâune jeune femme de 32 ans, HĂ©lĂ©na Klotz. Son sujet est lâadolescence, ses pulsions de sexe et de mort confondues, ses enthousiasmes et ses prostrations, sa grandeur et son ridicule. Son dĂ©cor est Paris la nuit, ses gares, ses trains de banlieue, ses clubs souterrains, ses ponts et ses forĂȘts voisines. Le film lui-mĂȘme semble attirĂ© par une force obscure tandis quâil sâĂ©carte de tout rĂ©alisme pour emprunter les sentiers dâun romantisme noir, Ă©voquant Jean-Paul Civeyrac, et dâun fantastique primitif, hyperstylisĂ©. Câest la grande force de ce jeune cinĂ©ma sans gĂȘne et aventureux, qui nâhĂ©site pas Ă frayer dans les eaux du bis ou Ă croiser les imaginaires pour inventer sa propre langue. Avec Elliott Paquet, Dominik Wojcik, Niels Schneider Fr, 1h08 2013 / Elle sâen va dâEmmanuelle Bercot Peut-on ĂȘtre un ĂȘtre de fuite et un ĂȘtre de courage ? Pour tenir ce paradoxe, le rendre possible avec Ă©vidence, il suffit Ă Emmanuelle Bercot de filmer Catherine Deneuve, qui comme nulle autre conjugue toujours la prĂ©sence dâune forme dâabsence, la retenue dâune forme dâaudace. En suivant une femme qui choisit sur un coup de tĂȘte de tout plaquer, Bercot rĂ©ussit un road-movie Ă©mancipateur Ă lâhumeur changeante, drĂŽle et poignant, convoyĂ© avec une inspiration folle par son interprĂšte. Avec Catherine Deneuve Fr, 1h53 2013 / Tirez la langue, mademoiselle dâAxelle Ropert Dâabord fine critique dans La Lettre du cinĂ©ma, foyer cinĂ©phile au tournant du siĂšcle, puis scĂ©nariste, Axelle Ropert a transposĂ© son goĂ»t pour le classicisme hollywoodien et une certaine Ă©cole française non spectaculaire dans ses propres films. Tirez la langue mademoiselle est une belle histoire dâamour chuchotĂ©e dans les dĂ©cors du 13e arrondissement, ainsi que le portrait dâune mĂšre cĂ©libataire jouĂ©e par Louise Bourgoin. Ropert tourne actuellement son cinquiĂšme long-mĂ©trage Petite Solange avec Philippe Katherine et LĂ©a Drucker. Avec Louise Bourgoin, CĂ©dric Kahn, Laurent Stocker Fr, 1h42 2015 / Mustang de Deniz Gamze Erguven Ce premier long-mĂ©trage en forme de cavalcade polissonne et fĂ©minine, joyeuse et enragĂ©e, nous immerge dans le monde damnĂ© des jeunes sĆurs mariĂ©es de force. Lâincontestable rĂ©ussite de Mustang tient au filmage du corps collectif sororal superbement fluide et chatoyant, bouquet de âjeunes filles en fleursâ telles quâon les trouve de Proust Ă Sofia Coppola. Il existe chez Deniz Gamze ErgĂŒven un vitalisme, une scĂ©nographie vitaminĂ©e qui, Ă chaque instant, Ă©meut et Ă©gaie lâĆil, nous attrape. Trait qui range le film du cĂŽtĂ© dâun âfĂ©minisme joyeuxâ, expression utilisĂ©e par AgnĂšs Varda pour qualifier la couleur de ses propres films. Sans diaboliser le mariage arrangĂ© lâune des sĆurs y trouve son compte de cĂąlins et de baisers, la rĂ©alisatrice dĂ©nonce une tradition nuisible dĂšs lors quâelle se meut en tyrannie, en prison. Avec GĂŒneĆ Nezihe Ćensoy, DoÄa Zeynep DoÄuĆlu, Elit İĆcan Turc, 1h33 2016 / Grave de Julia Ducournau Premier long-mĂ©trage de Julia Ducournau repĂ©rĂ©e Ă Cannes pour son court-mĂ©trage Junior, Grave raconte le parcours semĂ© dâembĂ»ches de Justine, Ă©tudiante en premiĂšre annĂ©e dâune Ă©cole vĂ©tĂ©rinaire. Justine se dĂ©couvre une appĂ©tence pour le sang, et bientĂŽt pour la chair humaine. GonflĂ©, poĂ©tique, fĂ©roce, ce film girly et anthropophage incarne la prise de pouvoir dâune nouvelle gĂ©nĂ©ration fracassante de rĂ©alisatrices. E. B. Avec Garance Marillier, Ella Rumpf, Rabah NaĂŻt Oufella Fr., Bel., 1 h 38 2016 / Toni Erdmann de Maren Ade Lâhistoire dâune businesswoman allemande Ă©migrĂ©e Ă Bucarest, oĂč elle travaille pour une sociĂ©tĂ© pĂ©troliĂšre, et de son pĂšre, amateur de farces et attrapes et de canulars lourdingues, engagĂ© dans une reconquĂȘte kamikaze du cĆur de sa fille. Lâesprit Ă la fois rigide et dĂ©lurĂ©, la parfaite nettetĂ© de lâĂ©criture, lâĂ©trange appĂ©tit pour le ridicule de Toni Erdmann transcendent sa sĂ©cheresse formelle apparente. Le troisiĂšme long-mĂ©trage de Maren Ade Ă©galement productrice des longs-mĂ©trages de son compagnon Ulrich Köhler et des films de Miguel Gomes est certes drĂŽle â il lâest vraiment â, mais il est beaucoup moins une comĂ©die quâun film sur le rire, sur sa psychologie, sur sa fonction sociale, sur son pouvoir de dĂ©rĂšglement. T. R. Avec Sandra HĂŒller, Peter Simonischek, Michael Wittenborn All., Aut., Mona., Rou., Fr., Sui., 2 h 42 2016 / Certaines femmes de Kelly Reichardt Sâil est problĂ©matique de parler dâun cinĂ©ma fĂ©minin, essentialisĂ© par le genre de son autrice, il semble Ă©vident que filmer implique plus souvent pour une femme que pour un homme une forme de dĂ©cadrage, de mise en scĂšne dâun espace jusque-lĂ peu visible, une façon de faire sien un mĂ©dium majoritairement masculin. La filmographie de Kelly Reichardt est Ă ce titre Ă©loquente. DâOld Joy 2006 Ă La DerniĂšre Piste 2010 en passant prochainement par First Cow 2019, la rĂ©alisatrice amĂ©ricaine nâaura eu de cesse de dĂ©velopper sa propre mythologie de lâOuest lointain, trĂšs loin des clichĂ©s du western. Certaines femmes, adaptation de trois nouvelles de lâĂ©crivaine amĂ©ricaine Maile Meloy, brosse le quotidien de quatre femmes vivant dans une petite ville du Montana, interprĂ©tĂ©es par un formidable quatuor dâactrices Kristen Stewart, Laura Dern, Michelle Williams et la rĂ©vĂ©lation Lily Gladstone. Lâart Ă©purĂ© de Kelly Reichardt, Ă la fois rustique et raffinĂ©, aussi taiseux par le verbe que prolixe par la forme, y atteint des sommets de prĂ©cision de trait. Dans ce film livrĂ© aux quatre vents des paysages dĂ©sertiques du nord-ouest des Etats-Unis, elle explore la condition fĂ©minine en prise avec la misogynie ordinaire de lâAmĂ©rique profonde. B. D. Avec Michelle Williams, Kristen Stewart, Laura Dern 1 h 47 2016 / American Honey dâAndrea Arnold MĂ©langeant comĂ©diens pros Shia LaBeouf, Riley Keough et amateurs, lâerrance dâune jeunesse bigarrĂ©e dans lâAmĂ©rique profonde, au son de la trap et sous les vapeurs de fumette⊠FilmĂ© au plus prĂšs des peaux, de la nature et de lâasphalte, entre parkings de supermarchĂ©s et grands espaces brĂ»lants, American Honey donne lâoccasion Ă Andrea Arnold Red Road, Fish Tank de dĂ©velopper son sens aigu dâun cinĂ©ma musical et sensuel, capable de traquer la violence du monde celle de lâargent roi et de la domination masculine pour conquĂ©rir un espace de beautĂ©. Un rĂȘve panthĂ©iste et fĂ©minin dont lâhĂ©roĂŻne se libĂšre sous nos yeux. O. J. Avec Sasha Lane, Shia LaBeouf 2 h 43 2017 / The Rider de ChloĂ© Zhao Rares sont les films retournant le gant de la virilitĂ© avec autant de dĂ©licatesse que The Rider, second film de la rĂ©alisatrice amĂ©ricaine dâorigine chinoise ChloĂ© Zhao. Elle y suit la guĂ©rison dâun cow-boy moderne, star locale de rodĂ©o victime dâun grave accident cĂ©rĂ©bral. Dans une mise en scĂšne proche du documentaire, ChloĂ© Zhao cultive dans ce film un care gaze qui porte autant sur une dĂ©construction de la masculinitĂ© que sur le rapport Ă lâanimal ou sur le sort des populations indiennes. On attend avec impatience The Eternals, son troisiĂšme film prĂ©vu pour cet automne, puisque ce blockbuster bardĂ© de stars Angelina Jolie, Salma Hayek, Kit Harington sâannonce aussi comme le premier film de super-hĂ©ros Marvel avec un personnage transgenre. B. D. Avec Brady Jandreau, Mooney, Tim Jandreau 1 h 44 2017 / Lady Bird de Greta Gerwig Si lâon dĂ©couvre Greta Gerwig lorsquâelle devient lâĂ©gĂ©rie du cinĂ©ma indĂ© amĂ©ricain avec Frances Ha 2012 de Noah Baumbach, lâAmĂ©ricaine a un dĂ©sir de cinĂ©ma qui excĂšde celui dâĂȘtre actrice. Et ce dĂšs ses dĂ©buts, puisquâelle cosigne ses premiers films en plus dây jouer Hannah Takes the Stairs, Nights and Weekends. Elle rĂ©alise avec Lady Bird son premier film en solo. Autobiographique, il Ă©pouse lâenvol dâune jeune femme Ă©prise de théùtre qui projette de quitter son lycĂ©e de Sacramento pour New York et son bouillonnement culturel. Il explore ce moment charniĂšre oĂč se jouent Ă la fois les premiĂšres amours, lâarrachement familial et se dessine une forme dâambition existentielle. La rĂ©alisatrice y trouve un alter ego en la personne de Saoirse Ronan. Elle forme avec TimothĂ©e Chalamet un couple Ă©tincelant dans le film suivant de la cinĂ©aste Les Filles du docteur March. B. D. Avec Saoirse Ronan, Laurie Metcalf, TimothĂ©e Chalamet 1 h 34 2017 / Les Bums de plage dâEliza Hittman Avant de rĂ©aliser des Ă©pisodes de la saison 2 de 13 Reasons Why, la jeune rĂ©alisatrice new-yorkaise obtenait un vif succĂšs dâestime avec son second long-mĂ©trage, Les Bums de plage. Disponible aujourdâhui sur Netflix, le film raconte lâincapacitĂ© de jouissance dâun jeune garçon qui sent une pulsion homosexuelle sans pouvoir pleinement lâembrasser. Entre Moonlight et Beau Travail et portĂ© par le trĂšs beau 16 mm de la chef-opĂ©ratrice française HĂ©lĂšne Louvart, le film est aussi heurtĂ© que pointilleux dans cette auscultation dâun empĂȘchement du dĂ©sir. B. D. Avec Harris Dickinson, Madeline Weinstein, Kate Hodge 1 h 38 2017 / Wonder Woman de Patty Jenkins Si ses bracelets dâacier et son body Ă©toilĂ© hantent tout autant lâimaginaire collectif des fans de comic books que la cape de Batman, il aura fallu des annĂ©es avant que Wonder Woman, icĂŽne fĂ©ministe, apparaisse sur grand Ă©cran. Le film marque la premiĂšre incursion dâune femme Ă la rĂ©alisation du genre dominant la planĂšte dans les annĂ©es 2010 le blockbuster super-hĂ©roĂŻque. Aux antipodes des torsions tĂ©nĂ©breuses dâun Christopher Nolan, Patty Jenkins rĂ©vĂ©lĂ©e avec Monster en 2003 tire son odyssĂ©e guerriĂšre vers un cinĂ©ma pop et lĂ©ger. On nâoubliera pas ces premiĂšres scĂšnes troublantes sur lâharmonie dâune Ăźle-gynĂ©cĂ©e avant que lâhĂ©roĂŻne ne vienne se heurter Ă notre monde. M. D. Avec Gal Gadot, Chris Pine, Robin Wright Ch., H. K., 2 h 21 2018 / Heureux comme Lazarro dâAlice Rohrwacher Fable dâabord pastorale puis urbaine, le troisiĂšme film de la jeune rĂ©alisatrice italienne Alice Rohrwacher, prix du scĂ©nario Ă Cannes en 2018, ex aequo avec Trois Visages de Jafar Panahi, suit la figure dâun garçon candide, dâun ravi de la crĂšche qui ne trouve son bonheur quâen observant la nature et en se mettant au service de ses semblables. Il vit dâabord dans une communautĂ© de paysans mise Ă lâĂ©cart du monde par des bourgeois dans le but de les exploiter, avant dâĂȘtre libĂ©rĂ© et plongĂ© dans le monde contemporain, synonyme pour lui de la plus grande pauvretĂ©. Ce film sur lâinnocence corrompue, doublĂ© dâun conte poĂ©tique et politique sur le capitalisme, ressuscite le cinĂ©ma de Pier Paolo Pasolini La Ricotta par exemple et fait dâAlice Rohrwacher lâune des rĂ©alisatrices les plus talentueuses et singuliĂšres dâEurope. Avec Adriano Tardiolo, Alba Rohrwacher, Agnese Graziani Italie, 2h07 2019 / Atlantique de Mati Diop AprĂšs Mille Soleils, le moyen-mĂ©trage documentaire que Mati Diop a consacrĂ© en 2013 Ă son oncle, figure disparue dâun cinĂ©ma sĂ©nĂ©galais hantĂ© par son passĂ©, la rĂ©alisatrice raconte une nouvelle histoire de fantĂŽme avec Atlantique, son premier long-mĂ©trage rĂ©compensĂ© du grand prix du jury Ă Cannes lâan dernier. Film Ă la lisiĂšre du fantastique, Ćuvre de chair dĂ©sirante et dâesprit vengeur, Atlantique est aussi un film politique puissant qui embrasse la tragĂ©die de lâimmigration clandestine et des inĂ©galitĂ©s sociales Ă Dakar. B. D. Avec Mame Binta SanĂ©, Amadou Mbow, Ibrahima TraorĂ© Fr., SĂ©n., Bel., 1 h 44 2019 / Sibyl de Justine Triet AprĂšs un combat de rue intime et collectif La Bataille de SolfĂ©rino, Justine Triet logeait les tumultes sentimentaux et existentiels dans un seul corps en Ă©ruption celui de Virginie Efira, avocate au bord de la crise dans Victoria. En 2019, un autre prĂ©nom suffisait Ă contenir le programme dense et rĂ©flexif vivre sa vie comme une fiction dâun film qui donnait au portrait de son hĂ©roĂŻne des allures dâodyssĂ©e. Avec une virtuositĂ© folle mĂ©lange de genres, ruptures de ton, Sibyl sondait lâĂąme dâune hĂ©roĂŻne fragile et robuste en mĂȘme temps quâil scellait la symbiose quasi parfaite entre une cinĂ©aste et une actrice. M. D. Avec Virginie Efira, AdĂšle Exarchopoulos Fr., Bel., 1 h 40 2019 / Une fille facile de Rebecca Zlotowski Pour son quatriĂšme long-mĂ©trage, Rebecca Zlotowski campe une coming-of-age story balnĂ©aire et offre Ă Zahia le rĂŽle dâune jeune femme initiatrice dâune cousine plus jeune. Libre ou prisonniĂšre câest toute la dialectique sur laquelle repose le film. Tandis que la cousine aĂźnĂ©e sâadonne Ă ses habitudes de coucheuse entretenue, la cadette contemple dans un coin, hĂ©sitant Ă embrasser cette vie de luxe et dâapparences, prenant la mesure des privilĂšges quâelle offre en mĂȘme temps que de ce quâil en coĂ»te dây entrer. Et cette dialectique, le film ne la rĂ©sout pas. Il Ă©pouse un gaze insituable, il mĂšne Ă son point de fusion la chronique dâune femme-objet, la rend Ă la fois complĂštement chose, complĂštement dĂ©esse et complĂštement sujet â en coupant pourtant tout accĂšs Ă son intĂ©rioritĂ©, tant pour les autres personnages que pour nous, spectateurs. Câest tout Ă la fois le drame existentiel elle sera toujours seule et lâarmure immarcescible de cette fille facile et cependant compliquĂ©e qui, contre toutes les estocades masculines, et feignant de leur cĂ©der lâentrĂ©e, demeure impĂ©nĂ©trable. T. R. Avec Zahia Dehar, Mina Farid Fr., 1 h 31 2019 / Portrait de la jeune fille en feu de CĂ©line Sciamma âPrenez le temps de me regarder.â Le premier dialogue du Portrait de la jeune fille en feu va encore rĂ©sonner longtemps, dans toute sa douceur et sa rage, mais aussi sa pertinence politique. A la fois une caresse et un cri. Autour dâune histoire dâamour lesbienne au XVIIIe siĂšcle une peintre dresse le portrait dâune aristocrate promise au mariage, CĂ©line Sciamma a fait un film manifeste pour la mise en scĂšne de lâexpĂ©rience fĂ©minine. Au cĆur des images se joue la recherche pas Ă pas dâune Ă©galitĂ© entre artiste et modĂšle, la croyance dans lâacte de crĂ©ation comme croisement entre des corps palpitant, pont entre les organes et les dĂ©sirs, destruction des normes de pouvoir qui empĂȘchent de jouir. AprĂšs Naissance des pieuvres, Tomboy et Bande de filles, Sciamma signe le film dâune Ă©poque, au souffle profondĂ©ment libĂ©rateur. O. J. Avec AdĂšle Haenel, NoĂ©mie Marlent Fr., 2 h 02 Ătitre de comparaison, la voiture Ă©lectrique la moins chĂšre du marchĂ© â surnommĂ©e « la voiture du Peuple » â est la Hongguang Mini EV, fabriquĂ©e par Wuling (coentreprise de SAIC et General Motors) et vendue 28 800 yuans (3750 euros), tandis que la Tesla Model S est affichĂ©e au prix de 859 990 yuans (112 150 euros).
TrĂšs proche de Jean-Paul Belmondo, Alain Delon a Ă©tĂ© prĂ©venu du dĂ©cĂšs de l'acteur, avant l'annonce les deux, les relations n'ont pas toujours Ă©tĂ© au beau fixe. Mais depuis longtemps, Alain Delon et Jean-Paul Belmondo Ă©taient devenus amis, mettant de cĂŽtĂ© leurs querelles d'antan. Il faut dire que ces deux grands comĂ©diens avaient partagĂ© l'affiche Ă de nombreuses reprises notamment dans Sois belle et tais toi, en 1958 ou encore Paris brĂ»le-t-il en 1966. Alors depuis le dĂ©cĂšs de Bebel, il manque un ĂȘtre cher Ă Delon. "C'est un ami que je perds, un confrĂšre. Cela faisait 60 ans que l'on se connaissait, que l'on travaillait ensemble. Je suis bouleversĂ©. Il a Ă©tĂ© extraordinaire dans tout, avec une force comique exceptionnelle et un physique irremplaçable. Ăa fait un mal fou, mais son image restera dans nos cĆurs, c'est le principal", confiait-il sur Europe 1. Un tĂ©moignage qui fait Ă©cho Ă celui de Cyril Viguier, co-producteur du documentaire Belmondo par Belmondo. En effet, l'artiste s'est confiĂ© dans les colonnes de Paris Match et a rĂ©vĂ©lĂ© qu'Alain Delon avait prĂ©venu bien Ă l'avance du dĂ©cĂšs de Jean-Paul Belmondo "Il a cherchĂ© Ă le joindre pour prendre de ses nouvelles. Et puis, le 6 septembre, Paul Belmondo m'a envoyĂ© un message. Il voulait prĂ©venir Alain avant l'annonce", explique-t-il. L'homme explique Ă©galement qu'Alain Delon avait compris qu'il ne reverrait plus son ami, lors de leur dernier rendez-vous "Mais quelques minutes aprĂšs le dĂ©part, dans le parking, Delon m'a dit 'Je suis heureux d'ĂȘtre venu'. Il se doutait qu'il avait vu son copain pour la derniĂšre fois. Les semaines suivantes, il a cherchĂ© Ă le joindre pour prendre de ses nouvelles".Alain Delon prĂ©sent lors de l'hommage nationalCe jeudi 9 septembre, Alain Delon sera prĂ©sent lors de l'hommage national rendu Ă Jean-Paul Belmondo, aux Invalides Ă Paris. Il sera accompagnĂ© de nombreuses cĂ©lĂ©britĂ©s comme, Guillaume Canet, Philippe Lellouche, Albert Dupontel... 1 000 anonymes pourront Ă©galement assister Ă la cĂ©rĂ©monie. Le prĂ©sident de la RĂ©publique sera quant Ă lui prĂ©sent Ă 16h30 pour dire un dernier au revoir Ă Jean-Paul Belmondo.© DIDIER SABARDIN 2/12 - Alain Delon et Jean-Paul Belmondo Mais depuis longtemps, Alain Delon et Jean-Paul Belmondo Ă©taient devenus amis, mettant de cĂŽtĂ© leurs querelles d'antan © DIDIER SABARDIN 3/12 - Alain Delon et Jean-Paul Belmondo Alors depuis le dĂ©cĂšs de Bebel, il manque un ĂȘtre cher Ă Delon © DIDIER SABARDIN 4/12 - Alain Delon et Jean-Paul Belmondo "C'est un ami que je perds, un confrĂšre. Je suis bouleversĂ©. Il a Ă©tĂ© extraordinaire dans tout" © DIDIER SABARDIN 5/12 - Alain Delon et Jean-Paul Belmondo Un tĂ©moignage qui fait Ă©cho Ă celui de Cyril Viguier, co-producteur du documentaire Belmondo par Belmondo © DIDIER SABARDIN 6/12 - Alain Delon et Jean-Paul Belmondo En effet, l'artiste s'est confiĂ© dans les colonnes de Paris Match et a rĂ©vĂ©lĂ© qu'Alain Delon avait prĂ©venu bien Ă l'avance du dĂ©cĂšs de Jean-Paul Belmondo © DIDIER SABARDIN 7/12 - Alain Delon et Jean-Paul Belmondo "Et puis, le 6 septembre, Paul Belmondo m'a envoyĂ© un message. Il voulait prĂ©venir Alain avant l'annonce" © DIDIER SABARDIN 8/12 - Alain Delon et Jean-Paul Belmondo L'homme explique Ă©galement qu'Alain Delon avait compris qu'il ne reverrait plus son ami, lors de leur dernier rendez-vous © DIDIER SABARDIN 9/12 - Alain Delon et Jean-Paul Belmondo "Il se doutait qu'il avait vu son copain pour la derniĂšre fois. Les semaines suivantes, il a cherchĂ© Ă le joindre pour prendre de ses nouvelles" © COADIC GUIREC 10/12 - Alain Delon et Jean-Paul Belmondo Ce jeudi 9 septembre, Alain Delon sera prĂ©sent lors de l'hommage national rendu Ă Jean-Paul Belmondo, aux Invalides Ă Paris © Giancarlo Gorassini 11/12 - Alain Delon et Jean-Paul Belmondo Il sera accompagnĂ© de nombreuses cĂ©lĂ©britĂ©s comme, Guillaume Canet, Philippe Lellouche, Albert Dupontel... © Giancarlo Gorassini 12/12 - Alain Delon et Jean-Paul Belmondo 1 000 anonymes pourront Ă©galement assister Ă la cĂ©rĂ©monie
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